La vie emprunte parfois des chemins inattendus. Moins présente sur grand écran depuis quelques années, Pascale Bussières est la tête d'affiche de deux films qui prennent l'affiche pratiquement en même temps. Il est toutefois difficile d'imaginer plus grand écart entre French Immersion, première réalisation du producteur à succès Kevin Tierney, et Marécages, premier long métrage de Guy Édoin.

L'un emprunte des allures de comédie loufoque dont le moteur repose sur la profonde incompréhension entre les deux solitudes, l'autre est un drame aux accents de tragédie rurale.

«On ne pourrait faire plus différent, reconnaît l'égérie du cinéma québécois des 20 dernières années. Le contraste était d'autant plus marqué que j'ai pratiquement enchaîné les tournages de ces deux films l'an dernier. Pour une actrice, c'est très stimulant!»

Les deux propositions ont été acceptées sur la foi de rencontres avec les cinéastes. Kevin Tierney, qui compte à son actif la production de Bon Cop Bad Cop d'Érik Canuel, a offert à l'actrice d'explorer un registre inhabituel pour elle. En revanche, Guy Édoin lui a fait visiter des zones plus délicates, tapies dans les plus sombres recoins de l'âme humaine.

La première franche comédie

Dans French Immersion, Pascale Bussières prête ses traits à la fondatrice et directrice de l'école de langues de Saint-Isidore-du-Coeur-de-Jésus, petit village reculé du Québec, qui s'apprête à accueillir des «stagiaires» venus du Canada afin d'apprendre le français dans un contexte d'immersion.

«Je ne connaissais pas Kevin Tierney, dit Pascale Bussières. Cette rencontre fut très charmante. Il est rare aussi qu'on fasse preuve d'autodérision quand on aborde les différences culturelles entre les deux solitudes. Cet aspect m'a plu à la lecture du scénario. Et puis, on connaît bien le principe de ces classes d'immersion en anglais - j'ai moi-même déjà vécu dans une famille canadienne d'origine asiatique à Toronto -, mais le phénomène inverse est plus méconnu. Certains politiciens anglophones ont recours à cette méthode, paraît-il.

«Et puis, poursuit-elle, French Immersion me permettait de jouer dans une franche comédie pour la première fois.»

Porter la douleur

Marécages, c'est autre chose. Réalisé par Guy Édoin, ce drame rural, tourné sur la ferme des parents de l'auteur-cinéaste, se révèle très âpre dans sa description des rapports humains. Ayant pour décor une ferme laitière destinée à la faillite, le récit s'attarde au parcours d'un adolescent (Gabriel Maillé) devenu le souffre-douleur de ses parents (Pascale Bussières et Luc Picard) depuis un drame survenu quelques années auparavant.

Le personnage de la mère est d'ailleurs si dur que Pascale Bussières a hésité avant de plonger dans le rôle. «J'ai adoré le scénario à la lecture, mais mon instinct maternel faisait en sorte que je n'avais pas envie d'explorer ces zones-là. Cela dit, j'avais eu l'occasion de voir La battue alors que je faisais partie du jury du festival Regard sur le court métrage au Saguenay. Déjà, il y avait là un univers fort, très défini. Après avoir lu le scénario de Marécages, j'ai rencontré Guy et je suis tombée sous son charme. À mes yeux, cette histoire transcende son contexte rural très réaliste. C'est une tragédie grecque, à vrai dire!»

Pour assurer la justesse dans l'exécution du geste quotidien (le film commence par la naissance problématique d'un veau), les parents de Guy Édoin veillaient au grain. «Je suis naturellement à l'aise dans cet environnement parce que j'ai déjà travaillé sur une ferme, explique l'actrice. Mais jamais de façon aussi concrète avec les animaux. Aussi la mère de Guy restait-elle derrière la caméra pour donner ses indications. On ne peut pas se permettre de rater ce genre de scène, car il n'y a qu'une seule prise possible.»

Lancé à la Mostra de Venise, où il a été ovationné par le public italien, Marécages est appelé à connaître une très belle carrière sur le circuit des festivals. «Guy fait écho dans son film à une misère que tout le monde porte en soi, fait remarquer Pascale Bussières. Pour continuer à vivre, il faut composer avec elle. C'est ce qui, je crois, touche les gens, peu importe l'endroit où ils vivent.»

French Immersion est présentement à l'affiche. Marécages prend l'affiche vendredi prochain.