Depuis le milieu des années 1970, le Sahara occidental fait l’objet d’une guerre de revendication entre le Maroc et le Front populaire pour la libération de la Saguia-el-hamra et du Rio de Oro (POLISARIO).

Au cœur du conflit, un peuple nomade, les Sahraouis, vit dans l’attente d’un règlement et dans une misère extrême. Si un cessez-le-feu est en vigueur depuis 1991 et qu’une mission de l’ONU (MINURSO) tente d’organiser un référendum sur l’autodétermination du territoire, celui-ci sombre dans l’oubli un peu plus chaque jour.

Dans un documentaire percutant et d’un esthétisme évocateur présenté aujourd'hui dans le cadre des Rencontres internationales du documentaire de Montréal (RIDM), le cinéaste belge Pierre-Yves Vandeweerd témoigne de la longue agonie des Sahraouis. Nous l’avons récemment rencontré au Festival international du film francophone de Namur.

 

Q. Pourquoi cette histoire a-t-elle attiré votre attention?

R. Le sentiment de faire face à un conflit oublié et perdu. En Europe, tout le monde se souvient de la guerre du Sahara occidental, des affrontements entre soldats du POLISARIO et ceux du Maroc. Aujourd’hui, plus rien. Les gens ne connaissent même pas, ou si peu, l’existence du mur de 2400 kilomètres qui séparent les deux camps. Des dizaines de milliers de touristes français ou belges visitent cette région chaque année sans savoir qu’il y a un mur. Dans les camps de réfugiés sahraouis, j’ai eu l’impression d’être face à des gens qui étaient à la fois vivants et plus là. Ils sont plongés dans une grande situation d’enfermement physique et mental. Ils sont comme des fantômes. Ils font partie du passé.

Q. Est-ce pour cette raison que vous utilisez une technique si singulière dans la prise d’images?

R. Tous mes films sont tournés en noir et blanc et en pellicule. J’ai le sentiment que la perspective permet une mise au travail plus forte de notre regard de spectateur. Ce regard est mis dans une dynamique de recherche. Dans le cas de ce film, j’ai utilisé du super 8 avec du grain. Car le grain agit comme quelque chose qui est en train de détruire une image, de la délaver. À force d’agir sur la matière, ce grain est en train de faire disparaître ce qui est inscrit sur celle-ci. Et c’est exactement cela, le phénomène de l’oubli. Comme dans le conflit.

Q. Pourquoi ce peuple a-t-il été oublié?

R. Je crois que les conflits de basse intensité, où il y a peu de morts d’hommes et pas de grands enjeux géopolitiques et économiques, deviennent très vite secondaires. On a beaucoup parlé de cette guerre avant la chute de Berlin mais pas après. C’était peut-être le dernier conflit relevant d’une lutte de libération. Or, de telles luttes se sont jouées par l’entremise des affrontements entre les blocs de l’Est et de l’Ouest. Après la chute du mur, ce type de conflit est devenu secondaire. Enfin, les grands gouvernements occidentaux ont beaucoup plus intérêt à soutenir le Maroc, perçu comme le pays devant contrer l’immigration clandestine et le terrorisme musulman. À ce moment-là, le mur de 2400 kilomètres ne devient-il pas le rempart idéal pour atteindre ces objectifs et empêcher les débordements?

Aujourd’hui, 17h15 au Cinéma ONF ; mardi 15 novembre, 17h30 à la Cinémathèque (salle Fernand-Séguin)