L'adage selon lequel une image vaut mille mots ne convient pas à Michel Chartrand. Ni au documentaire Chartrand le malcommode, que le cinéaste Manuel Foglia consacre au syndicaliste disparu le 12 avril 2010.

La parole, les mots, l'histoire, la mémoire. Tout cela précède l'image dans le long métrage documentaire qui, après une diffusion cet été sur Télé-Québec, est présenté ce soir dans le cadre des Rencontres internationales du documentaire de Montréal (RIDM).

«Tourner ce film ne constituait pas un exercice esthétisant, indique le cinéaste en entrevue. Mais c'est un film que j'avais envie de faire. J'ai eu un grand plaisir à fouiller dans les archives, innombrables, qui m'ont permis de parler de l'homme à travers l'histoire du mouvement syndical au Québec.»

La vie de Chartrand est inextricablement liée à ce pan d'histoire sociale. Homme qui n'attendait pas qu'on lui demande la parole pour la prendre, M. Chartrand aura, sur une période de six décennies, pris la défense des travailleurs, des gagne-petit et des opprimés avec une verve inégalée. Un homme «inspiré, honorable», dit Manuel Foglia, qui voulait lui laisser le plus de place possible dans son film.

Militant jusqu'à la fin

Pour ce faire, le documentariste propose une chronique chronologique où se côtoient, dans un harmonieux collage, des extraits de vieux films de M. Chartrand haraguant des travailleurs, des entrevues à la télévision et des scènes filmées autour de la table, avec des amis et d'anciens syndicalistes, à la maison de Richelieu où M. Chartrand a écoulé les derniers mois de sa vie.

Si on retrouve dans les récents extraits un Michel Chartrand plus posé, l'homme n'a rien perdu de son instinct de battant et de son indignation. «Il aura été militant jusqu'à la dernière minute de sa vie, dit le réalisateur. Jusqu'à son dernier souffle, il a continué à lire les journaux de gauche. Dans les dernières années de sa vie, il s'est beaucoup intéressé aux questions internationales, à la faim dans le monde.»

En quoi le qualificatif de «malcommode» décrit-il le personnage? En ce que M. Chartrand ne laissait pas sa place, quitte à écraser des orteils au passage, mais aussi en ce qu'il était lié à la frange «anarcho-syndicaliste», dit M. Foglia. «C'était une branche qui dérangeait avec ses comités, ses droits de parole, son insupportable procrastination, dit M. Foglia. Mais ce fut une branche nécessaire qui a agi en éclaireur. Cela dit, une fois que certains buts ont été atteints, M. Chartrand a été tassé.»

Le cinéaste aime aussi le côté impétueux, le talent de scène, le sens de la formule de l'homme. «J'affectionne tous ces petits bouts de films retrouvés qui nous montrent ces talents», dit-il.

À travers le film, on pourra aussi découvrir le socialiste en Michel Chartrand, un aspect de sa personnalité qui a ravi le cinéaste. «Une grande découverte, dit-il. Chartrand était socialiste, chrétien, pacifiste. Il aura été le premier militant antinucléaire. Il a participé à la fondation du NPD au Québec. Il était constamment préoccupé par les questions de justice sociale.»

Chartrand le malcommode sera présenté ce soir à 20h à la Cinémathèque (salle Claude-Jutra) dans le cadre des RIDM. Le film sera aussi projeté à la fin de l'année ou au début de l'an prochain au Cinéma du Parc.

RENCONTRES INTERNATIONALES DU DOCUMENTAIRE DE MONTRÉAL

Nos suggestions du jour


Rouge parole

Ce qui a pris le nom de «Printemps arabe» avec ses mouvements et manifestations dans plusieurs pays méditerranéens a donné naissance à une flopée de films, tantôt bancals, tantôt plus léchés, mais toujours sincères. Il y a de quoi se réjouir, car c’est aussi à cela, témoigner, que sert le cinéma. Rouge parole du réalisateur Elyes Baccar s’inscrit parfaitement dans cette démarche. Film de la rue, film des gens de la rue, ce documentaire s’ouvre sur une mer qui gronde à l’image du peuple. Se promenant ensuite dans les rues de Tunis, la caméra permet aux spectateurs de partager de façon intime les premiers pas de nombreux protagonistes anonymes dans une liberté toute neuve. Il faut par exemple voir leur joie lorsqu’ils découvrent que des livres longtemps mis à l’index se retrouvent soudainement en vente libre. Très cinématographique, ce film constitue une ode à l’affirmation et au désir de liberté.
Aujourd’hui, 21h15 au Cinéma ONF

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Quais-blues

Cinéaste à la longue feuille de route, Richard Lavoie dit faire des films pour explorer les innombrables facettes de la vie et donner la parole à ceux qui ne l’ont pas. Dans son plus récent opus, Quais-Blues, M. Lavoie montre plusieurs quais abandonnés ou mal entretenus par les gouvernements dans de nombreux villages côtiers du Québec. Or, le quai n’est pas un simple endroit où accostent les navires ; il constitue un lieu de rassemblement et d’échange servant à renforcer le tissu social. Quand on sait que les jeunes ont tendance à délaisser les régions pour les grands centres, on imagine que le quai sert, sans jeu de mots, de point d’ancrage dans ces petites communautés. Avant d’aller voir ce film, les cinéphiles peuvent s’imprégner du travail de M. Lavoie en visitant son site internet : richardlavoie.qc.ca
Aujourd’hui, 17h15 au Cinéma ONF