L'histoire: L'histoire des Laurent, une famille prospère du Pas-de-Calais, en France, qui a fait fortune dans le bâtiment et pour qui rien ne va plus. Le patriarche, malade, veut en finir avec sa vie. Sa fille, devenue chef de l'empire familial, est aux prises avec un fils révolté et son frère, qui a une gamine aux pulsions meurtrières. Tout cela à Calais, où fleurit la misère migrante.

Comme avec le film Caché, Happy End commence par un plan fixe filmé non pas avec une caméra de surveillance, mais avec son pendant contemporain : la caméra d'un téléphone intelligent. Qui filme? Et pourquoi filmer les ablutions d'une banalité à pleurer d'une femme? On le découvrira plus tard, à mesure que les morceaux épars d'un puzzle diaboliquement construit prendront forme devant nos yeux. 

C'est par bribes ironiques que nous ferons connaissance avec les membres de la famille Laurent, une famille dysfonctionnelle à souhait, depuis son patriarche acariâtre, un Jean-Louis Trintignant déformé par l'âge qui crève l'écran, en passant par une Isabelle Huppert glaciale d'efficacité, un Mathieu Kassovitz méconnaissable en médecin éparpillé dans ses amours, sans oublier l'étonnante Fantine Harduin, une préadolescente malheureuse et suicidaire, accro à son téléphone intelligent.

Cette famille bourgeoise du Pas-de-Calais qui côtoie la misère des migrants et détourne le regard pour ne pas la voir, c'est une métaphore parfaite de la société occidentale qui se noie dans son nombril sur fond d'effondrement social au milieu d'une époque éclatée régie par les évangiles des réseaux sociaux. Michael Haneke n'est pas tendre pour ses personnages, y compris pour la plus jeune du lot, celle qui, en principe, représente les générations futures et dont l'absence d'émotion et d'affect n'augure rien de bon pour l'avenir. 

Déprimant que tout cela? Oui et non. Oui parce que le constat social sur l'écart grandissant entre les riches et les miséreux n'est pas agréable à voir. Non parce que Haneke est un maître du récit, de la construction dramatique et des rebondissements ironiques qui nous font rire même au plus creux du désespoir. 

Happy End n'est pas un film gentil. C'est une fable cruelle sur l'internet, une satire sociale sur la bourgeoisie bien-pensante et un film parfaitement d'actualité dans lequel il n'est pas toujours plaisant de se mirer, mais dont on ne peut nier la maîtrise ni l'acuité du propos.

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Happy End. Drame de Michael Haneke. Avec Jean-Louis Trintignant, Isabelle Huppert, Mathieu Kassovitz. 1 h 50.

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image fournie par Les films du losange 

Happy End