La NSA espionne les conversations téléphoniques des citoyens ordinaires, on tue en direct sur Facebook... L'écrivain Dave Eggers n'avait pas exagéré tant que ça lorsqu'il a écrit The Circle, une dystopie dans laquelle une entreprise ressemblant à Google prend le contrôle de nos vies.

Le roman a été adapté au grand écran par James Ponsoldt (avec qui Eggers signe le scénario) et met en vedette Emma Watson dans le rôle de Mae Holland, une jeune fille qui se morfond dans une vie un peu grise et un emploi sans envergure jusqu'au jour où elle est embauchée par l'entreprise où tous les jeunes rêvent de travailler: The Circle.

Oui, le siège social de l'entreprise est en forme de cercle... comme le futur campus d'Apple, avec des jardins, un musée, des espaces de jeux, des concerts, etc. On retrouve là un condensé de ce qu'offrent les entreprises de la Silicon Valley à leurs employés, un gigantesque CPE pour adulescents.

C'est dans ce cadre à première vue idyllique que Mae sera séduite - et aspirée - par son nouvel environnement, et par le discours de son dirigeant, Eamon Bailey (Tom Hanks dans le rôle d'un gourou à la Steve Jobs).

Du jour au lendemain, la jeune femme devient l'employée chouchoute de The Circle. Sa popularité au sein de l'entreprise est décuplée après un incident qui la force en quelque sorte à se prêter à une expérience: elle portera en tout temps la nouvelle caméra Seechange, une lentille qui tient dans la paume d'une main et que The Circle a installée un peu partout sur la planète, filmant les faits et gestes des passants en toute impunité.

Mae vient-elle de signer un pacte avec le diable?

La jeune femme n'y voit que du feu. Un peu comme l'adepte d'une secte, elle adhère complètement à la philosophie de l'entreprise, au risque de s'aliéner son ex-petit ami - un ermite qui vit complètement déconnecté - et ses propres parents (son père, atteint de sclérose en plaques, est interprété par Bill Paxton dans son dernier rôle au cinéma).

Dans cet univers - tordu - de transparence totale, le désir d'intimité est mal vu et celui qui n'accepte pas de tout montrer a sans aucun doute quelque chose à cacher. On ne parle plus de protection de la vie privée, mais bien de «droit fondamental à la connaissance». «Partager, c'est aimer» («Sharing is caring»), répète comme un mantra le grand patron, grossier manipulateur. On n'est pas loin de la novlangue de George Orwell, en moins subtil. Jusqu'où peut-on aller au nom de la transparence lorsque la technologie nous le permet? La réponse sera douloureuse pour Mae.

Il s'est écoulé presque quatre ans entre la parution du roman de Dave Eggers et la sortie du film. Entre-temps, Steve Jobs est mort, Edward Snowden nous a rendus moins naïfs, nous avons visionné la série Black Mirror et relu 1984 de George Orwell. Résultat: le propos de The Circle a perdu de son originalité et dépeint un univers où les bons et les méchants sont un peu trop caricaturaux pour être crédibles. Ce n'est pas un mauvais film pour autant. Emma Watson y est convaincante et certains effets de mise en scène sont ingénieux. The Circle a au moins le mérite de susciter une réflexion sur l'emprise toujours plus grande qu'exercent les multinationales comme Google ou Facebook sur nos vies. Mais ça n'en fait pas un grand film pour autant.

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The Circle (V.F.: Le cercle: le pouvoir de tout changer). Drame-suspense de James Ponsoldt. Avec Emma Watson, Tom Hanks, Karen Gillan et Bill Paxton. 1 h 50.

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image fournie par Entract Films