L'auteur cinéaste John Cameron Mitchell sera finalement peut-être celui qui aura réalisé ce vieux fantasme de tourner un film «légitime» ponctué de scènes sexuelles explicites. Shortbus se démarque en effet par cette volonté de représenter dans un film des actes qui font partie de l'identité sexuelle du genre humain, sans en pervertir la nature comme dans les films pornos. Aussi Mitchell jette-t-il les bases de son postulat dès le départ en offrant au spectateur une scène dans laquelle l'un des protagonistes «s'autogratifie» d'une manière rarement vue à l'extérieur des circuits XXX.

La représentation très franche de la sexualité n'a pourtant rien ici de choquant, celle-ci étant intégrée dans la quête existentielle des personnages. C'est d'ailleurs là où se situe la réussite du film de Mitchell: dans cette manière de raconter une histoire signifiante, avec beaucoup de style, tout en visant un souci de vérité dans l'expression de la sexualité. «Le sexe est toujours représenté de manière fausse dans le cinéma populaire; et de manière dévaluée» dans le cinéma porno, fait judicieusement remarquer l'auteur cinéaste dans ses notes d'intention.

L'histoire relate ainsi la quête de différents New-Yorkais dont les parcours convergent vers le Shortbus, une boîte underground. Empruntant le ton de la tragi-comédie, Mitchell, qui s'était fait remarquer il y a quelques années avec le réjouissant Hedwig and the Angry Inch, propose ici des chassés croisés desquels émane une formidable liberté de ton. Imaginé par les acteurs eux-mêmes, le récit emprunte ainsi des accents de vérité qu'on retrouve rarement dans ce genre de productions. Mitchell évite en effet les pièges de l'humour trash, ou tout effet distrayant qui ne servirait pas son propos.

Cette approche, pour louable qu'elle soit, comporte toutefois un revers: le film n'est pas aussi éclaté, pas aussi flamboyant que ce à quoi nous aurions pu nous attendre.

On saluera bien entendu la part d'audace contenue dans cette démarche, tout autant que les quelques beaux traits de mise en scène (les scènes d'animation montrant Manhattan sont superbes), mais dans l'ensemble, l'impact de ce film courageux n'est quand même pas aussi fort que prévu.

Shortbus a pris l'affiche à Montréal en version originale anglaise.



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SHORTBUS, drame de moeurs de John Cameron Mitchell. Avec Sook-Yin Lee, Paul Dawson, Lindsay Beamish.

Des New-yorkais de toutes allégeances sexuelles se retrouvent dans une boîte underground.

Malgré l'audace du pari, l'impact du film n'est pas aussi fort que prévu.