L'image de Louis Lortie traversant la place Saint-Marc au lever du jour et s'émerveillant à la vue des beautés de Venise n'est pas celle qui vient habituellement quand on pense au pianiste. Nouvelle vocation? Non. S'il joue les guides touristiques, c'est pour nous faire découvrir la profondeur musicale de cette ville mythique.

Mort à Venise : un voyage musical avec Louis Lortie, le documentaire de Mathieu Roy présenté une seule fois au Musée des beaux-arts du Québec, aujourd'hui à 14h30, nous entraîne à travers les étroits canaux de la cité lacustre. Installé à la poupe, face à la caméra, le musicien-narrateur parcourt ce «refuge où l'on glorifie le silence». Son propos, lui, ne restera jamais bien longtemps en surface.

L'eau est apparemment un excellent conducteur quand on cher-che à relier entre eux des compositeurs, des oeuvres et des épo-ques. Alors que la caméra se tourne vers la ville, à la recherche de cette harmonie, de cette beauté et de cette luminosité qu'on dit uniques, Louis Lortie remonte le fil de la démarche qui l'a conduit à concevoir tout un récital autour du thème de l'eau. Une des composantes du documentaire con-siste en des extraits d'un récital présenté jusqu'ici dans quel-ques villes d'Europe et d'Amérique du Nord, et dont les images émergent tout au long du film.

Rien de plus typiquement vénitien, d'abord, que ces barcarolles chantées par les gondoliers au rythme ondoyant de l'embarcation. En s'appropriant le genre, des compositeurs comme Fauré ou Chopin ont conservé et développé son élément fluide, invitant du coup l'interprète à transformer son piano en gondole, comme l'affirme Lortie, démonstration à l'appui.
Miroir de notre époque

L'étonnante et sombre prémonition que Liszt a traduite musicalement dans sa Lugubre gondola, quelques mois avant la mort de Wagner, constitue l'épisode auquel le film, à l'instar de celui de Visconti, doit son titre. Miroir d'une époque alors confrontée aux limites de la tonalité, Venise est également le miroir de notre époque «obsédée par son propre déclin», pense Louis Lortie. La vil-le, on le sait, s'enfonce petit à petit, inéluctablement peut-être. «L'idée d'une ville anéantie dans l'eau, ça fait peur, dit-il. Ça fait aussi partie des légendes les plus fortes, qu'on pense à l'Atlantide».

Arrive Debussy, représenté par sa Cathédrale engloutie, sa Canope et son Isle joyeuse. On aborde le concept de fluidité dans l'exécution au son de ces fameux effets de cascade et de jets d'eau. La qualité des reflets qu'on ne trouve qu'à Venise est captée par la caméra de Mathieu Roy avec une sensibilité tout impressionniste. Il est question aussi d'une vibration particulière qui a inspiré au facteur vénitien Paolo Fazioli la sonorité unique de ses pianos.
Dans ce film d'eau et de musique, on trouvera, comme de raison, peu de plans fixes. Ceux-ci s'intègrent la plupart du temps à des séquences animées qui suggèrent l'idée du balancement de la vague. On retient surtout ces plans-¬séquences très réussis qui vous donnent l'impression de flotter, comme si vous vous trouviez constamment en gondole, y compris lorsque vous visitez les pièces d'un palais vénitien.

***1/2
Mort à Venise : un voyage musical avec Louis Lortie

Documentaire de Mathieu Roy

On aime
: le rythme, la forme, les idées, tout quoi

On n'aime pas : ?