On pourrait multiplier les hypothèses sur le sens profond à donner à ce curieux titre que les réalisateurs ont donné à leur documentaire, qui suit le parcours de trois Marocains au crépuscule de leur vie. Pour les auteurs, il faut y voir davantage la mort d’une certaine culture que l’ombre de la grande Faucheuse.

Car au Maroc, il y a des traditions qui se perdent et qui, pis encore, risquent de s’effacer des mémoires.

C’est pour cette raison que les deux Montréalais ont patiemment suivi le parcours de Chechma le pêcheur, d’Abdesslam le musicien et d’Erradi l’aubergiste. Chacun à leur façon, ils constituent des gardiens de la mémoire collective en pratiquant des métiers de plus en plus abandonnés.

L’approche retenue par les auteurs est de ne rien forcer. Pas de voix hors champ, pas d’entrevues en tête-à-tête avec les protagonistes. Posant souvent leur caméra, ils les laissent parler. De leur vie, de leur travail. De leurs petites joies et de leurs grandes peines.

Ils les ont suivis dans leur boulot qui, grand âge oblige, se fait plus lentement. Rien ne sert de courir quand des traditions se meurent. On aimerait plutôt arrêter le temps.

Mme Benchekroun et M. Mermer se gardent tout autant de porter des jugements. Ils ont simplement exercé, à leur façon, un travail d’archiviste.

Un beau travail, d’ailleurs. Beaucoup de poésie, beaucoup de chaleur dans la lumière.

Quelques clins d’œil pleins d’humour sur la rencontre entre tradition et modernité. Comme cette photo du musicien Abdesslam, attablé à un café, cellulaire à l’oreille.

On sort de ce documentaire avec le sentiment de mieux cerner le Maroc des régions et les paradoxes auxquels celles-ci font face.

Les tortues ne meurent jamais de vieillesse
: documentaire de Hind Benchekroun et Sami Mermer. 1h32.