Le règlement de Transports Canada rendant obligatoires les dispositifs d'immobilisation sur tous les véhicules neufs vendus au pays manque de dents, estiment certains assureurs. Si la plupart croient que la norme en vigueur depuis le 1er septembre permettra de réduire le nombre de vols, ils estiment en revanche la mesure insuffisante pour contrer le crime organisé.

«D'abord, 60% des voitures neuves étaient déjà munies d'un antidémarrage, signale Alexandre Royer, porte-parole du Bureau d'assurance du Canada (BAC). Ensuite, cette initiative n'aura pas d'impact significatif sur les réseaux organisés, car ils utilisent fréquemment des dépanneuses. Elle ne fera que compliquer la tâche des petits voleurs, car l'antidémarrage rend le vol plus long.»

Le BAC juge donc que la mesure n'aura un effet que sur les vols perpétrés pour une randonnée de quelques heures («joy riding»), un phénomène plus répandu au Canada anglais qu'au Québec, selon le regroupement. Toutefois, même Transports Canada reconnaît que la majorité des véhicules volés dans ces circonstances sont de vieux modèles non équipés d'un système antivol.

Les fabricants, eux, auraient souhaité que le Canada copie les politiques américaines, où le marquage des pièces est obligatoire pour certains types de véhicules. «La problématique n'est pas la même qu'ici, rétorque Patrick Charrette, de Transports Canada. La diminution du nombre de morts et de blessés sur la route est à la base de notre décision. Bon an, mal an, on compte une trentaine de morts dans des accidents liés au vol d'auto, soit des jeunes qui prennent des voitures et se retrouvent sur la route, inexpérimentés, parfois dans des poursuites policières.»

Le porte-parole précise que Transports Canada s'est grandement inspiré de recherches menées en Australie, où l'imposition d'un antidémarrage a réduit de 50% les risques de vols et des accidents inhérents. Selon Statistique Canada, plus de 160 000 véhicules ont été volés au pays en 2006.

Pour Bernard Tremblay, vice-président, actuariat, d'ING Assurance, l'antidémarrage ne fait cependant pas foi de tout en matière de prévention. «Ces cinq dernières années, 36% des véhicules volés que nous avons récupérés en avaient un», dit-il. Selon le spécialiste, l'une des failles est l'uniformisation de l'installation en série lorsque l'automobile est construite. «Les réseaux organisés n'ont alors qu'à faire le tour des différents modèles afin de savoir comment le système de chacun est installé. Cela devient par la suite un jeu d'enfant de les désamorcer.» L'assureur aurait préféré un règlement prévoyant le marquage, l'appareil d'immobilisation et le système de repérage obligatoires.

Bernard Tremblay explique cette nécessité par la sophistication des méthodes déployées lors des larcins. «Par exemple, dit-il, il y a quelques années, les groupes recouraient à un appareil de brouillage des ondes des systèmes de repérage. Cela avait fait chuter considérablement les taux de récupération des véhicules disparus.»

Chez Desjardins Assurances générales, le directeur général, Jean Vaillancourt, indique pour sa part que l'entreprise a adopté certaines mesures afin de lutter contre le crime organisé, qu'il qualifie de «plus en plus créatif». «Pour les modèles les plus souvent volés, nous exigeons l'installation d'un système de repérage et d'un deuxième antidémarrage.»

Cela dit, il insiste sur la responsabilité individuelle, déplorant du coup la négligence de plusieurs acheteurs. «Quand nous suggérons à des propriétaires de voitures de 40 000$ d'ajouter des protections supplémentaires, ils nous répondent qu'ils n'ont pas le temps d'aller faire marquer les pièces ou de faire installer un deuxième système d'immobilisation. Je ne m'étonne donc pas de voir apparaître des règlements rendant de telles opérations obligatoires.»