Créée en janvier 2013 par le Théâtre de la Rubrique à Jonquière, La liberté de Martin Bellemare est enfin produite à Montréal, sous la direction de Gaétan Paré. On dit enfin, car la pièce, précédée d'un excellent buzz, aborde un sujet brûlant avec doigté et discernement.

À mi-chemin entre les univers d'Orwell et d'Ionesco, le texte du jeune auteur pose - malgré quelques raccourcis - un beau problème d'éthique, sur un thème d'actualité: celui du suicide assisté.

Dans La liberté, l'État a pris en charge ses citoyens qui souhaitent mettre un terme à leur vie. Ils ont désormais le choix de leur propre mort (et même de la manière d'en finir), grâce à un service gouvernemental qui les accompagne dans cette ultime étape.

Paul (Frédéric Blanchette) y travaille depuis plusieurs années à titre de fonctionnaire, mais, dans un autre monde, il serait qualifié de «bourreau». Malgré les réserves de sa femme (Dominique Leduc), Paul obtient un emploi pour leur fils de 18 ans, préposé à l'accueil du même service gouvernemental.

Paul fait son travail avec devoir et application, convaincu que son service comble «un besoin social»: celui d'alléger la souffrance des désespérés.

Selon lui, on peut prendre «la décision raisonnée de se suicider, comme Hubert Aquin». L'État ne fait donc qu'encadrer ce choix en permettant aux citoyens de mourir dans la dignité.

Un propos qui fait réfléchir

Gaétan Paré situe l'action dans une espèce d'antichambre de la mort, sans décor ou presque, dans un climat froid et lourd. Le jeu distancié des comédiens alimente l'étrangeté des rapports entre les personnages. On est dans le degré zéro de l'esthétique théâtrale.

Vous aurez compris que La liberté est une pièce qu'on va voir davantage pour le fond que pour la forme. L'auteur présente la situation froidement et sans jugement, laissant aux spectateurs la liberté du point de vue. On vous conseille d'aller voir cette production en groupe, pour discuter et débattre des enjeux soulevés après la représentation.

Au bout de compte, La liberté démontre que personne ne peut choisir à la place des autres. Face à la mort, l'individu est terriblement seul.

De Martin Bellemare. Mise en scène de Gaétan Paré.

À la salle Fred-Barry du Théâtre Denise-Pelletier jusqu'au 24 octobre.