Avec Épopée Nord, troisième partie de sa trilogie d'anticipation sur le Québec, le Théâtre du Futur puise dans le folklore pour mieux (nous) purifier de la pollution sociale. Entretien avec l'un de ses fondateurs, le prolifique et talentueux Olivier Morin.

« Le futur est maintenant! » Voilà la devise de l'une des compagnies les plus imaginatives du paysage du théâtre québécois depuis des lustres. Heureux mélange de théâtre, de musique et d'humour iconoclaste, le répertoire du Théâtre du Futur est formé de pièces de résistance contre la morosité et le désenchantement ambiants.

À l'origine de la troupe, la rencontre de trois brillants créateurs et interprètes : deux provenant du théâtre (Guillaume Tremblay et Olivier Morin), le troisième de l'univers musical (Navet confit). Depuis 2012, ils nous ont donné Clotaire Rapaille, l'opéra rock et L'assassinat du président. Leur nouveau spectacle, Épopée Nord, qui prend l'affiche du Théâtre d'Aujourd'hui mardi, devrait boucler leur trilogie du futur.

Encore une fois, on navigue dans les eaux troubles d'un avenir improbable... mais non inimaginable. Morin et Tremblay ont écrit une oeuvre d'anticipation à la sauce québécoise, très loin de la provocation ou du terrain sociologiquement glissant sur lequel s'aventurent les Michel Houellebecq de la planète. 

« Nous prêchons par l'humour pour créer une zone d'inconfort, explique à La Presse Olivier Morin, coauteur et metteur en scène d'Épopée Nord. Or, on utilise le rire pour désamorcer les malaises sociaux au lieu de les amplifier. Nous ne voulons pas être moralisateurs, ni pamphlétaires. »

Retour vers le futur

Le premier amendement de la « Constitution » des pères fondateurs de la compagnie pourrait se résumer ainsi : « Puisque le passé n'existe plus et que le futur n'existe pas, autant les inventer. » Olivier Morin parle du nouveau spectacle comme d'une « purge folklorique pour se purifier du présent », ou encore d'une Soirée canadienne qui se déroule en 2035 avec des instruments acoustiques (guitare, violon, mandoline).

La prémisse? Alors que tout le monde croyait Fred Pellerin mort depuis 10 ans, le conteur revient inopinément à l'émission de Denis Lévesque pour livrer un message sibyllin à la population du Québec : « Soyez prêts! » Mais il n'en dit pas plus...

« Pour nous, le futur est un bon filtre pour observer la société actuelle. En déformant ou en grossissant des événements réels, on souhaite faire réagir les gens par rapport à l'état du monde, pour ne pas céder à la force d'inertie qui empêche une société d'évoluer. »

La question amérindienne

Épopée Nord prend la forme « d'un conte à relais » dans lequel les créateurs abordent, entre autres choses, l'épineuse question amérindienne. Le noyau dur du Futur (Tremblay, Morin, Navet Confit) est ici épaulé par les interprètes Myriam Fournier, Virginie Morin et Ariane Zita.

Les spectateurs seront invités à s'asseoir à l'indienne dans la petite salle Jean-Claude Germain pour écouter les pièces musicales et vivre de plus près ce récit théâtral coloré et endiablé.

Dans la boule de cristal d'Olivier Morin, on peut voir des choses sombres, merveilleuses, alarmistes, utopistes, érudites et frivoles. Ce n'est pas un hasard - plutôt une pause philosophique et civique, voire un nouveau code Morin.

Le prolifique créateur de 34 ans, formé au Conservatoire de Montréal, s'estime à la fois « optimiste et pessimiste devant l'avenir ».

Si Olivier Morin anticipe l'avenir de la société et des personnalités québécoises, il ne veut pas savoir où il sera et ce qui l'occupera dans 15 ou 20 ans : « Je n'ai pas de plan de carrière. J'aime que la vie me surprenne. Pour moi, ne pas vouloir savoir de quoi demain sera fait, artistiquement, n'est pas une absence de plan de carrière. Au contraire. Dans 20 ans, je veux créer en épousant les formes, les soucis et les espoirs du futur. Avec férocité et appétit. »

Au Théâtre d'Aujourd'hui, salle Jean-Claude Germain, du 27 janvier au 14 février.

Olivier Morin, peintre

Il ne le crie pas sur tous les toits, mais, depuis 15 ans, Olivier Morin se consacre à la peinture et expose dans des bars et des galeries au Québec. Son oeuvre picturale est fort intéressante. Des toiles figuratives et colorées, peuplées de personnages étranges et ludiques. « Mon travail de peintre se situe dans la continuité de mon travail d'acteur et de metteur en scène, avance Morin. Je raconte des histoires, des sensations, des impressions, en laissant une place à l'interprétation du public. » Morin peint des scènes surréalistes, tels des bergers en casaque de jockey qui jouent du banjo pour les moutons; un rhinocéros qui écoute une musicienne assise dans une clairière; des femmes immenses qui font penser aux figures de Peter Paul Rubens ou de Fernando Botero... Mais aussi des portraits plus classiques, comme celui du cinéaste Robert Morin (aucun lien de parenté).

Aussi illustrateur, Olivier a créé les affiches de quelques productions théâtrales, dont celles du Théâtre du Futur. Il vient d'illustrer une application iPad, Pougne au gré du vent. « C'est l'histoire interactive d'un petit nuage qui fait pleuvoir toutes sortes de choses selon ses humeurs. » Talentueux, vous dites?

Pour voir les oeuvres d'Olivier Morin : oliviermorin.com