Après les prouesses techniques de Robert Lepage et le délire visuel du tandem Lemieux-Pilon, il faisait bon de renouer, vendredi dernier, avec le théâtre classique de Victor Hugo. Un drame romantique fabuleux, Marie Tudor, avec une intrigue parfaitement ficelée, qui nous tient en haleine pendant près de 2 h 15 min. Du théâtre sans esbroufe où tous les effets sont dans le texte.

Il faut dire que le Théâtre Denise-Pelletier avait mis toutes les chances de son côté. D'abord en faisant appel à Claude Poissant pour la mise en scène. Puis en réunissant une solide équipe de comédiens menés par Julie Le Breton, magnétique dans le rôle de cette reine d'Angleterre (fille d'Henri VIII) tiraillée entre sa couronne et son amour pour l'Italien Fabiano Fabiani.

Nous sommes au XVIe siècle et la reine d'Angleterre est promise au roi d'Espagne. Un mariage évidemment politique planifié par l'envoyé du roi, un certain Simon Renard. Mais la reine Marie Tudor est amoureuse d'un Italien, Fabiano Fabiani, que tous les hommes de la cour abhorrent. Essentiellement parce qu'il est... italien.

Le beau Brummel trompe la reine avec une jeune paysanne nommée Jane, fiancée à un modeste ciseleur, Gilbert. Si Fabiani s'intéresse à elle, c'est qu'en fait, elle est l'unique héritière du dernier lord Talbot. Bref, sans entrer dans les détails de l'intrigue, dans laquelle se multiplient les rebondissements (le moulin tourne vite!), les deux hommes se retrouvent au cachot.

Victor Hugo nous fait ici le récit de deux histoires d'amour singulières. Celle de Marie Tudor et de Fabiano Fabiani - véritable bad boy. Et celle de Gilbert et de Jane. Seule l'une des deux histoires sera possible, mais laquelle? Y en a-t-il une qui vaut plus que l'autre? Qui sera finalement exécuté? Le bon Gilbert ou le retors Fabiani?

Comme dans les grands romans d'Alexandre Dumas (qu'on pense au Comte de Monte-Cristo), Marie Tudor est une histoire de vengeance. La vengeance d'une reine cocue, mais aussi d'un homme du peuple, qui se bat contre le pouvoir. Marie Tudor aborde également, avec intelligence et humour, le thème de la place des femmes dans l'arène politique.

Claude Poissant s'en tient au texte, mais sa mise en scène est très fluide et parvient à créer de véritables moments de suspense et de tension.

La musique composée par Philippe Brault est parfaitement intégrée au récit, un petit ensemble de musiciens niché à l'arrière de la scène rythmant les scènes.

Les comédiens forment un tout extrêmement cohérent. Outre Julie Le Breton, qui compose une reine à la fois sensible et capricieuse, soulignons l'excellente performance de Simon Lacroix dans tous les rôles qu'il interprète, particulièrement dans celui de l'homme juif. Comme de David Savard dans celui de Simon Renard et David Boutin dans le rôle de Gilbert.

Claude Poissant, que l'on est plus habitué à voir créer des textes de jeunes auteurs d'ici, parvient ici à s'approprier les thèmes forts de la pièce de Victor Hugo et à en faire un drame romantique quasi contemporain.

Comme quoi quand c'est bien fait, certains classiques traversent merveilleusement bien l'épreuve du temps. C'est le cas ici.

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Au Théâtre Denise-Pelletier, jusqu'au 12 février.