Après un Jeu de l'amour et du hasard alerte, mais convenu, la Société Richard III est de retour au Théâtre Denise-Pelletier avec un monumental classique: Le Cid, de Corneille. Daniel Paquette signe la mise en scène de ce duel d'amour et d'honneur, avec Lise Martin dans le rôle de Chimène et Carl Poliquin (qui avait signé le Marivaux présenté l'hiver dernier) dans celui de Rodrigue.

Il faut souligner d'emblée la beauté du décor d'Anne-Marie Matteau, des éclairages de Michaël Fortin et des costumes eux aussi signés Daniel Paquette. L'habillage des corps et de la scène est d'une opulence mesurée, suffisante pour évoquer la cour du roi de Castille, et les détails architecturaux rappellent que Séville, où Corneille a placé l'action, a déjà été sous la domination des Maures.

Les musulmans menacent encore la cité au moment où se déroule la pièce, qui s'articule autour d'une question démodée, sauf chez les intégristes: l'honneur. Souffleté à la cour par Don Gomès (Cédric Noël), le vieux et désormais faible Don Diègue (Jean Leclerc) demande à son fils Rodrigue de le venger. La demande n'est pas banale: pour accéder à la demande de son père, il doit tuer le père de sa promise.

Ce cruel dilemme porte toute la pièce. En refusant d'affronter Don Gomès, Rodrigue se montre indigne de Chimène. En le tuant, il s'attire le courroux de sa belle... qui doit désormais sauver son honneur en exigeant que Rodrigue soit châtié. L'essentiel de la pièce montre et raconte les déchirements intérieurs de l'un et de l'autre... Et la pièce, telle que présentée au Théâtre Denise-Pelletier, dure 2h40 min...

Est-ce le cadre scolaire du Théâtre Denise-Pelletier qui incite à agir de la sorte? Toujours est-il que ce Cid-là est présenté de la manière la plus classique qui soit.

Daniel Paquette a bien tenté d'en faire un conflit de générations en soulignant notamment l'exaspération de Rodrigue devant son père, un effort de relecture bien insuffisant pour dépoussiérer ce texte vieux de près de 400 ans et convaincre qu'il recèle des enjeux bien actuels.

Dans l'ensemble, la production est à l'image des duels d'épées qu'elle donne à voir: laborieuse et sans grand tonus. Les alexandrins donnent du fil à retordre à un moment ou à un autre à tous les acteurs, exception faite de Jean Leclerc. Même le meilleur d'entre eux n'a pas l'aisance stupéfiante de Jean-François Casabonne dans le Projet Andromaque que Denoncourt a monté il y a quelques années.

Ce Cid cherche la grâce, mais sent trop l'effort et porte trop le poids de la tradition pour l'atteindre.

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Au Théâtre Denise-Pelletier jusqu'au 11 décembre.