On a pu apprécier l'humour noir du dramaturge irlandais Martin McDonagh dans l'excellente pièce The Pillowman, créée à La Licorne en 2009, et aussi dans son film Bons baisers de Bruges, où deux tueurs à gages flânent à Bruges en attendant les ordres de leur patron, qui demande finalement à l'un d'eux de tuer son partenaire.

L'Ouest solitaire trempe dans ce même humour grinçant, avec une violence insoupçonnée. McDonagh, qui est natif de cette partie aride de l'ouest de l'Irlande, loin des collines verdoyantes de l'est, représente bien toute la misère de ces deux frères paumés qui nourrissent l'un pour l'autre une haine viscérale. Tout cela dans un village reculé où chacun vit de solitude.

Ici, point de sentimentalisme. De retour des funérailles de leur père, les deux garçons, Coleman et Valene, reprennent froidement leur petit train-train quotidien fait de coups bas, de vacheries et de vulgarité. Les deux jeunes hommes, sur les dents, en viennent aux poings à la moindre occasion. Deux coqs tour à tour bourreau et victime, capables bien malgré eux de nous faire rire.

Performance d'acteurs

Lucien Bergeron et Marc-André Thibault nous offrent ici toute une performance d'acteurs, se fondant habilement l'un et l'autre dans la peau de ces deux brutes mal aimées, qui n'ont absolument aucun espoir en leur avenir. Le réalisme de leurs échanges cinglants provoque même par moments un certain malaise. Chapeau ici à Fanny Britt, qui a adapté le texte de McDonagh (comme elle l'avait fait avec Pillowman).

Cette lutte fraternelle se passe sous les yeux du père Welsh, un prêtre porté sur la bouteille qui vit une véritable «crise de foi», incrédule devant une vague de meurtres et de suicides qui touche ses paroissiens. Découragé, il se fait un devoir de réconcilier les deux frères. Frédéric-Antoine Guimond joue bien sa partition, même s'il paraît parfois beaucoup trop «en contrôle» pour un alcoolique.

Reste le personnage de Girleen, défendu par Marie-Ève Milot, une autre épave qui souffre de solitude et qui complète le triste portrait de cette communauté... Malgré le talent de la jeune comédienne, on ne croit tout simplement pas à son histoire d'amour avec le père Welsh. Ou alors McDonagh voulait nous la représenter vraiment au fond du baril, ce qui est fort possible et, dans ce cas, tout à fait réussi.

Malin plaisir

Le metteur en scène Sébastien Gauthier (Lone Star, Roomtone) est très inventif, employant judicieusement chacun des recoins du minuscule espace de jeu. Sa transposition de l'univers glauque de McDonagh est au point, comme sa direction d'acteurs. Il reste que malgré toutes ces qualités, on se demande bien ce qu'il reste de ces luttes viriles.

Y a-t-il une lueur d'espoir à la fin de tout ça? Pas vraiment... C'est comme si l'auteur avait pris un malin plaisir à nous faire monter sur toutes les échelles de son petit jeu avant de nous ramener brusquement à la case départ sur le dos d'un serpent. Une pièce à voir, donc, pour les bons perdants.

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À l'affiche du Théâtre Prospero jusqu'au 9 février.