Michel Marc Bouchard travaillait sur le scénario de Kristina of Sweeden quand il a eu l'idée de créer une pièce sur le même sujet à partir du fruit de ses nombreuses recherches. (Le film coproduit par cinq pays européens est réalisé par le cinéaste finlandais Mika Kaurismäki. Sa sortie est prévue en février 2014.)

«Au début, je n'avais pas envie d'écrire une biopic sur une reine», explique l'auteur. «Je cherchais un angle pour l'aborder. Que représente une reine sur une scène au Québec en 2012? C'est quoi son humanité? Finalement, ce sont ses paradoxes qui m'ont happé: une femme de lettres et d'esprit qui désirait tant de lumière pour son peuple, mais qui est aussi un être très tordu, sombre, agité.»

L'auteur affirme avoir écrit une pièce classique pour aborder une question cruciale posée par la vie de Christine de Suède (1626-1689): «La question toujours actuelle de choisir entre le bien commun ou les aspirations personnelles, la société ou l'individu.»

Femme exceptionnelle au destin hors du commun, Christine de Suède n'aura été reine que 21 ans (dont près de la moitié enfant) avant d'abdiquer, renier sa famille, sa patrie et sa religion luthérienne, pour s'exiler à Rome, où elle est enterrée aux côtés des papes! Ses frasques et sa vie sentimentale ont fait jaser l'Europe de son temps et contribué à créer son mythe.

«Il y a toujours eu un parfum saphique autour d'elle, explique Bouchard. Or, même aujourd'hui, les ouvrages biographiques ont tendance à sucrer le lesbianisme de Christine. Trois pages d'une lettre sulfureuse à Eva, sa dame de compagnie, cela passe pour de la coquetterie féminine. Et un mot doux envoyé à Magnus de la Gardie, c'est de l'amour fou!»

Au TNM, la passion amoureuse de Christine pour sa première dame de compagnie (Magalie Lépine-Blondeau) n'est pas du tout édulcorée. Et les avances de son cousin, le vaniteux Johan (Éric Bruneau) seront aussi inutiles que ridicules.

La reine a inspiré plusieurs ouvrages et films historiques. Greta Garbo l'a immortalisée au cinéma dans Queen Christina, en 1933. Un classique et une rencontre entre deux mythes. Puis, Liv Ullmann l'a jouée en 1974 dans le film L'abdication tiré de la pièce américaine de Ruth Wolff. À la fin des années 90, L'abdication a été produite au Théâtre de Quat'Sous avec Élise Guilbault dans le rôle de la reine en exil.

«Au théâtre, un personnage sans paradoxes n'avance pas. Il devient un postulat de l'auteur, un mégaphone. Hélas, j'en vois beaucoup de ce genre de personnages au théâtre», résume l'auteur des Muses orphelines, pièce aussi bourrée de beauté et de paradoxes qui sera reprise en février 2013, chez Duceppe.