Un souper aux chandelles. Un intrus maculé de sang. Une écriture limpide jusque dans ce qu'elle ne dit pas. Maxime Denommée renoue avec le dramaturge Dennis Kelly et monte Orphelins, pièce qui risque d'être le premier coup de poing théâtral de 2012.

On ne doit pas sortir indemne d'un théâtre, croit Maxime Denommée. «Si tu sors d'une pièce en sachant que tu n'y repenseras plus, ce n'était pas très bon», tranche posément le comédien et metteur en scène. Son affirmation n'a rien d'une bravade, c'est une position mûrement réfléchie.

«Je trouve important de monter des pièces qui parlent à mes contemporains», insiste l'artiste. L'équation est assez simple, selon lui: pour que les gens se sentent interpellés, ils doivent se reconnaître dans les personnages qu'ils voient sur scène.

Encore une fois, c'est dans l'oeuvre percutante de Dennis Kelly qu'il trouve matière à tendre un miroir au monde. Maxime Denommée, qui a monté avec succès Après la fin en 2008, se mesure aujourd'hui à Orphelins, qui scrute les rapports tendus qu'on entretient avec les autres: au sein du couple, de la famille et dans nos sociétés de plus en plus diversifiées au plan ethnique.

Dennis Kelly va droit au but: Orphelins débute lorsque Liam (Étienne Pilon) fait irruption dans l'appartement habité par sa soeur Helen (Évelyne Rompré) et son conjoint Danny (Steve Laplante). Le détail qui tue: le chandail de Liam est maculé de sang. Celui d'un autre.

Qui est la victime? Qui est l'agresseur? L'attaque a-t-elle quelque chose à voir avec les tensions raciales qui existent dans ce quartier ouvrier? Fini le souper aux chandelles: Danny et Helen doivent tenter de dénouer les fils du récit nébuleux de Liam, opération délicate qui risque de provoquer un choc de valeurs dangereux pour leur couple.

L'écriture dépouillée et nette de Dennis Kelly couve un non-dit qui fait monter la pression. Chaque fois que le fil des événements semble s'éclaircir, une réplique ou un sous-entendu revient brouiller les cartes. «On pense que ça se résout, mais là, l'auteur lâche une autre bombe et on repart pour un autre 15 minutes. Il y a toujours une tension sous-jacente», constate le metteur en scène.

Faire confiance à l'auteur

Maxime Denommée aborde Orphelins avec la même attitude qu'Après la fin: avec un respect scrupuleux du texte. «Quand on respecte la ponctuation, tout apparaît», dit-il. Ainsi, son travail s'articule autour de deux axes principaux: faire confiance à l'auteur et... au spectateur.

Il insiste d'ailleurs sur ces deux points lorsqu'il est invité à travailler avec de jeunes acteurs dans des écoles de théâtre. «Les écoles insistent trop sur l'émotion de l'acteur, juge-t-il. On ne leur dit pas que c'est le spectateur qui doit être touché. Jouer, ce n'est pas une thérapie.»

L'acteur ne doit pas voler l'émotion du spectateur, croit Maxime Denommée, pour qui la mise en scène est d'abord un geste instinctif. «Quand je lis un texte, je l'entends, je sais comment il doit sonner», dit-il.

Ses réflexions sur le jeu ont toutefois été nourries par True and False: Heresy and Common Sense for the Actor de David Mamet. Dans cet essai publié en 1999, le célèbre dramaturge américain déboulonne la méthode de Stanislavski, qu'il qualifie de «culte», et invite les acteurs et les metteurs en scène à faire confiance aux... textes.

«Ce serait à l'avantage de tout le monde de s'effacer dans la mise en scène», croit le comédien, qui dit avoir horreur «de voir des concepts sur scène». Le boulot de l'acteur, selon lui, n'est pas d'être ému, mais de jouer l'action. «Il faut que ça bouille en dedans, mais il ne faut pas que ça déborde», précise-t-il.

L'essentiel, c'est d'avoir une partition solide en main, capable d'émouvoir le spectateur et de le faire travailler de la tête. Avec Dennis Kelly, Maxime Denommée est en confiance. «Son écriture combine l'intellect et l'émotion, la forme et le contenu. L'équilibre est parfait.»

Orphelins, du 10 janvier au 18 février à La Licorne.