Que raconte donc la comédie musicale Le petit Roy? Nous sommes en 1978.  Jean-Philippe Roy, alias « Djipi », 40 ans,  attend qu'on vienne le chercher aux portes de la prison où il a passé 20 ans fermes pour un crime passionnel qu'il a commis en 1958. Pendant cette attente, il sombre dans ses souvenirs d'enfance ou de vie « en dedans ». C'est que, élevé dans un bar à la disparition de sa mère et au décès de son père pianiste, « Djipi » attendait la femme de sa vie, l'a rencontrée en la personne de la prostituée Simone et, fou d'amour, a tué sans préméditation le proxénète de Simone, Franck. Au cours des 20 ans passées en prison, jamais Djipi n'a reçu de nouvelle de Simone. Qui viendra le chercher après tout ce temps derrière les barreaux?

Sombre comme trame de comédie musicale? C'est oublier que la grande majorité des  musicals reposent sur une histoire torturée, cruelle, tourmentée... The Phantom of the Opera suit  les agissements d'un être défiguré, compositeur de génie, qui kidnappe une jeune cantatrice (non, il n'y a pas de chirurgie plastique qui lui redonne figure humaine à la fin). The Kiss of The Spider Woman porte sur les rêves et fantasmes de deux hommes emprisonnés et torturés en Amérique latine (ils meurent à la fin). Le très cynique Cabaret se passe pendant la montée du nazisme en Allemagne et la Deuxième guerre mondiale (en passant, c'est aussi le cadre de... La mélodie du bonheur!).

Quant à Hair, il relate la vie d'un jeune hippie qui va partir pour le Vietnam (et qui y meurt).  Même le très populaire Mamma Mia!, inspiré des chansons très joyeuses du groupe Abba, relate les déchirements d'une jeune femme qui ne sait pas qui est son père et qui invite à son mariage trois anciens amants de sa mère pour le découvrir... avant de décider de ne pas se marier, d'ailleurs!

Bref, la liste des  musicals dont l'histoire est triste ou sombre est longue, qu'on pense à West Side Story,  Miss Saigon, Rent, etc. C'est justement parce que les protagonistes doivent échapper à la dure réalité qu'ils se mettent à chanter et danser, pour ainsi rêver, fantasmer, imaginer, évoquer...

Au Québec, même constat : Demain, Montréal m'attend raconte les déboires d'une serveuse qui quitte sa région pour tenter sa chance comme chanteuse à Montréal, pendant que sa soeur, star des cabarets, vit son déclin! Dans le tout récent « théâtre musical » à succès Belles-Soeurs, on dresse le portrait de la misère - financière, sexuelle, spirituelle, amoureuse, etc. - des Montréalaises des années 60, qui mène à la jalousie et à la trahison. Même émotions difficiles dans Dracula, entre l'amour et la mort, dans Don Juan et autres comédies musicales, où les principaux protagonistes meurent généralement.

Enfin, est-il besoin de rappeler que le  musical des musicals  québécois, Starmania, se déroule dans un climat de violence et de surmédiatisation, au coeur d'une ville déshumanisée du futur, et que l'oeuvre se termine soit par le désespoir ou la mort de chaque personnage?

Au moins, dans Le petit Roy, il y a de l'espoir... Qui viendra chercher « Djipi » à sa sortie de prison?