Irina Brook est ici une inconnue. La fille du célèbre metteur en scène anglais, Peter Brook, n'en est pas moins parvenue, au fil des ans, à se faire un nom. Pour sa première visite au Québec, elle nous présente une adaptation entièrement masculine d'une des plus grandes comédies de Shakespeare, Le songe d'une nuit d'été.

Comme tous les enfants d'artistes mondialement renommés, Irina Brook a mis du temps avant de suivre les traces de son célèbre père.

La metteure en scène franco-britannique, qui habite présentement aux États-Unis, avoue aujourd'hui se sentir à sa place. «Ça fait 12 ans que je fais de la mise en scène et je ne me vois pas du tout recommencer à jouer. C'était pour moi comme un passage obligé. Je suis maintenant totalement engagée et passionnée par mon travail de mise en scène.»

Cela dit, même si l'orgueil d'Irina Brook, combiné à la discrétion de son père, lui ont permis de trouver sa voie, elle n'en demeure pas moins extrêmement influencée par le travail de son père. Et partage avec lui une passion pour l'oeuvre de Shakespeare et aussi de Brecht, qui l'a beaucoup inspirée avant qu'elle ne s'en distance un peu depuis un an...

«Mon père a vécu plusieurs périodes artistiques. Celle que j'ai connue durant les 10 premières années de ma vie, m'a beaucoup influencée. Il faisait alors beaucoup de recherche théâtrale, voyageait en Iran, en Afrique, etc.; j'aimais la dimension populaire et improvisatoire de son théâtre, où il a tenté de créer une relation immédiate avec le public.»

L'idée d'adapter Le songe d'une nuit d'été lui est venue naturellement il y a quatre ans. «Je cherchais une pièce à monter dans le cadre d'un petit festival de théâtre populaire dans un village que j'habitais au sud de Paris; une pièce qui pourrait rassembler tout le monde, petits et grands. Mais surtout des gens qui ne sont pas habitués d'aller au théâtre. Le choix du Songe m'est alors apparu évident.»

Au début des années 70, Peter Brook en avait signé une mémorable mise en scène. Irina n'avait que 8 ou 9 ans, mais elle s'en souvient encore. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'elle ne l'avait jusqu'ici jamais montée. «J'ai réalisé que même aujourd'hui, je connaissais pratiquement toutes les répliques par coeur. J'étais folle de cette pièce, qui m'a fait découvrir le théâtre.»

Le travail d'adaptation qu'elle a ensuite entrepris avec Marie-Paule Ramo (qui a traduit le texte), s'est fait en même temps que les acteurs répétaient. «Je suis de ceux qui croient que le jeu et la répétition viennent avant les mots, nous dit Irina Brook. Il y a donc eu beaucoup de travail de scène et d'impro avant d'en arriver à créer ce spectacle.»

Mais venons-en à ce Songe, une des comédies les plus jouées de Shakespeare. Au coeur de l'action, qui se déroule à Athènes, une jeune fille et ses deux prétendants. Hermia veut épouser Lysandre, mais son père (Égée) lui préfère Démétrius, lui-même convoité par une dénommée Hélène.

Le couple d'amoureux décide de quitter la ville et de défier ce père «qui a droit de vie et de mort sur sa fille», un droit confirmé par le duc d'Athènes, lui-même sur le point de se marier, qui lui donne le choix entre la mort et le cloître. S'ensuit une histoire abracadabrante où apparaissent des fées et des artisans maladroits qui se préparent à jouer une pièce de théâtre pour les noces du duc.

L'idée de mettre en scène six hommes pour jouer tous ces personnages, lui est venue alors qu'elle faisait des travaux de rénovation dans une vieille maison de campagne qu'elle habitait en France.

«J'étais entourée d'ouvriers, de plombiers, d'électriciens, etc. exactement comme les artisans de la pièce de Shakespeare! Et puis, je me suis mise à fantasmer à l'idée que tous ces ouvriers portuguais aient un rôle dans la pièce. C'est ce qui m'a donné l'idée de mettre en scène six hommes.»

Ce choix s'est finalement confirmé après quelques répétitions. «À l'époque de Shakespeare, nous rappelle Irina Brook, tous les rôles féminins étaient joués par des hommes. Et puis, il y a beaucoup de bagarres et de méchanceté entre les couples dans le Songe. Lorsque ce sont des hommes qui jouent, c'est cruel, mais c'est drôle. Un homme qui jette une femme par terre, ce n'est pas drôle...»

En attendant le Songe, à l'Usine C les 29 et 30 octobre.