La vie de Maria Callas vaut autant que ses prouesses vocales. Son ascension dans le monde de l'art lyrique, sans doute sa plus grande victoire et sa plus douce vengeance contre ses détracteurs, ne l'a pas empêchée de finir ses jours dans la plus grande solitude, un peu comme Édith Piaf ou Dalida.

Ces Leçons sont l'occasion d'apprécier les qualités de cette artiste engagée au physique ingrat (avant qu'elle ne perde 25 kg!), telle qu'imaginée par l'auteur américain Terrence McNally, qui s'est inspiré des master class que la divina a donnés à New York au début des années 70, devant public.

Louise Marleau, qui en est à sa deuxième interprétation de la Callas - elle l'a jouée en 2002 au Théâtre de la Dame Blanche - se donne corps et âme dans ce presque monologue de plus de deux heures, traduit par Michel Tremblay, qu'elle interprète avec beaucoup d'aplomb et d'intensité.

Dès le départ, elle s'adresse directement à nous, qui jouons le rôle du public. Cette relation avec la comédienne nous donne l'impression d'être en réelle communication avec la diva, qui fait la leçon à des élèves aussi admiratifs que dubitatifs.

Dubitatifs, car c'est à peine si la Callas les écoute. Chaque élève la plonge dans ses propres souvenirs et ses performances passées. Bellini, Verdi, Puccini, tous ces compositeurs évoquent pour elle tel succès ou telle épreuve. Ce qui ne l'empêche pas de marteler le même message: travailler, travailler, travailler. Avoir du courage. Surtout: savoir et comprendre ce que l'on chante.

Mis à part quelques longueurs dans les passages qu'elle récite en italien ou ces quelques moments d'égarement où elle perd son accent dalidien (où elle roule admirablement bien ses «r»), Louise Marleau porte ce spectacle à bout de bras, avec un certain humour et une froide douceur qu'on devine être celle de la Callas.

La mise en scène de Denise Filiatrault, qui avait monté la pièce en 1996 avec Patricia Nolin dans le rôle principal, est parfaitement maîtrisée. Les élèves se présentent tour à tour devant elle, émergeant de la salle, nous offrant ainsi quelques numéros de chant gentiment livrés par Émilie Josset, Dominic Lorange et Geneviève Charest.

Au cours de ces exercices où Maria Callas, cassante, les corrige vaguement, la diva plonge dans ses rêveries. C'est le moment qu'ont choisi les créateurs des Leçons pour nous faire entendre de réels enregistrements, question d'entendre ou de réentendre cette voix singulière, ce phrasé parfait et cette virtuosité légendaire.

Louise Marleau traduit merveilleusement bien toute la douleur vécue par Callas dans sa vie amoureuse. Que ce soit avec l'Italien Baptista Meneghini, de 30 ans son aîné, qui devint son imprésario, mais de qui elle n'a jamais été amoureuse. Ou avec le célèbre armateur grec, Aristote Onassis - son véritable amour, qui n'aimait pas l'opéra - et qui la laissa pour une certaine Jackie Kennedy...

N'empêche que pour apprécier ce spectacle créé à Broadway en 1995, il faut avoir un certain intérêt, sinon pour la musique d'opéra, au moins pour l'histoire de ces interprètes qui meurent sur scène. Pour l'amour de la musique. Et de leur public.

Les leçons de Maria Callas, au Rideau Vert jusqu'au 22 mai.