Limbes, Trans (e), Psychomaton... voici quelques spectacles et pièces de théâtre de la rentrée hivernale 2010.

Deux fois Christian Lapointe

Le décapant Christian Lapointe présentera deux spectacles à Montréal au cours des prochains mois. Avec Limbes (du 19 au 30 janvier à La Chapelle), il revient à l'oeuvre du poète irlandais Yeats et montre des vagabonds le Christ ressuscité et son fils confrontés aux ruines de notre monde. Une pièce purgatoire axée sur le jeu masqué et la musique live. Du 6 au 10 avril, le Théâtre d'Aujourd'hui accueillera sa plus récente création, Trans (e). Dans cette «tragédie futuriste» prenant la forme d'un «poème incantatoire», l'auteur et metteur en scène utilise la personne transgenre comme un symbole de l'humanité (masculin et féminin confondus). Christian Lapointe y partagera la scène avec la comédienne Maryse Lapierre.

Anne-Marie Olivier et Freud

Après Le Psychomaton, Anne-Marie Olivier - qui fut la mémorable Catherine Ragone du Vie et mort du roi boiteux dirigé par Frédéric Dubois - présente sa nouvelle pièce au Quat'Sous. Mon corps deviendra froid (du 25 janvier au 27 février) se déroule lors d'un banquet familial sur lequel plane le fantôme du père décédé. C'est l'occasion d'une «énorme brassée de linge sale en famille» où coule une «liqueur caustique». Suzanne Champagne, Claude Despins, Brigitte Lafleur, Myriam Leblanc et Roger La Rue interprètent cette «fable freudienne» mise en scène pas Stéphan Allard.

 

Faire l'humour, pas la guerre

Deux ans après la création de l'excellent cabaret existentiel Coma Unplugged, Pierre-Michel Tremblay et le Théâtre de La Manufacture renouvellent leur association avec Au champ de Mars. L'esprit tordu, mais sensible, du dramaturge a imaginé l'histoire d'un jeune soldat de retour d'Afghanistan en état de choc post-traumatique dont la vie est devenue un champ de bataille. Décrite comme une comédie satirique, la pièce semble peuplée de personnages intrigants: une psychiatre qui souffre «de fatigue de compassion», un «extrémiste pacifiste» qui enseigne la clarinette et un réalisateur de film à succès en burn-out. Michel Monty dirige cinq comédiens dont Josée Deschênes, Justin Laramée et David Savard. À La Licorne du 26 janvier au 6 mars.

UBU, Marleau et Bernhard: trio gagnant

Il y a 15 ans, Denis Marleau s'était frotté avec succès à Thomas Bernhard en faisant de son roman Maîtres anciens une pièce polyphonique qui fut marquée par les brillantes prerformances de Pierre Collin et Gabriel Gascon. UBU est revenu à l'écrivain autrichien. Lors du dernier FTA, la compagnie a créé Une fête pour Boris qui sera reprise cet hiver à l'Usine C (du 4 au 20 février) avec Christiane Pasquier dans le rôle d'une «bonne dame» aigre et méchante qui a perdu ses jambes dans un accident. «Un objet très stylisé et franchement comique», écrivait en mai Sylvie St-Jacques, qui qualifiait ce spectacle de «farce cruelle».

Drôle de déprime

Frédéric Dubois a monté Porc-épic de David Paquet avec les finissants de l'École nationale de théâtre il y a deux ans. Son frère Patrice Dubois, codirecteur du PÀP, se frotte à son tour à cette «tragédie festive» où une foule de personnages comprennent que ce n'est pas parce qu'on est en amour, qu'on amorce une thérapie ou que c'est le jour de notre anniversaire que tout va soudainement pour le mieux dans le meilleur des mondes... La pièce de David Paquet a été présentée tout récemment à l'Atelier 210 de Bruxelles. Le Soir, un quotidien local, en a souligné «la langue fougueuse, d'une poésie rugueuse et d'une imagination folle». Des qualités qui habiteront assurément la création de sa version québécoise, présentée du 16 février au 13 mars à Espace Go, dont le PÀP promet qu'elle sera «drôle, drôle, drôle.»

L'auteur d'Aveux de retour au théâtre

Avant d'être scénariste pour la télé, Serge Boucher est un auteur dramatique très attaché aux histoires de familles fuckées. La preuve, il n'arrive pas à se défaire de celle de son personnage - et alter ego? - François Dubé. Il en creuse le parcours et les histoires, débusquant les mensonges et faisant éclater les silences. Comme Michel Tremblay. Excuse-moi est centrée sur Claire et Denis, le père et la mère de François, déjà croisés dans 24 poses (Portraits) et , respectivement créées en 1999 et 2007. Serge Boucher évoque l'obligatoire confrontation avec ses parents vieillissants et l'inévitable question qui se pose alors: «Qui a envie de devenir le parent de ses parents?» Du 17 février au 27 mars chez Duceppe.

Regards sur les États-Unis

L'Opsis a passé quatre années à explorer les États-Unis à travers sa dramaturgie (Sarah Ruhl, Clifford Odets, Paula Vogel) et sa littérature (une adaptation d'un roman de Faulkner). Après avoir parlé de ce pays à travers les mots de ses écrivains, la compagnie conclut l'exercice en demandant à des auteurs ou auteurs-compositeurs québécois de faire de même. D'où cet alléchant Les États-Unis vus par... François Archambault, Michel-Marc Bouchard, Jasmine Dubé, Catherine Léger, Pierre-Yves Lemieux et Richard Séguin. Quatre interprètes se partageront les rôles et les chansons. Au Théâtre Prospéro du 23 février au 13 mars.

L'intégrale de Lipsynch

Robert Lepage a déjà présenté une version «courte» - cinq heures! - de Lipsynch au FTA, au printemps 2007. Après Toronto, Moscou et New York, voici que le Théâtre Denise-Pelletier en accueille la version définitive d'une durée d'un peu moins de neuf heures, du 27 février au 14 mars. Une autre pièce fleuve (neuf actes) et polyglotte, puisqu'elle se déroule entre le Québec, les États-Unis, l'Angleterre, le Nicaragua et l'Allemagne. Avec Ex Machina, Robert Lepage s'est longtemps concentré sur l'image et l'espace. Lipsynch, comme son titre l'indique, s'intéresse à la voix, ses sonorités, son altération et son travestissement. Et ce en quoi elle est le miroir de l'âme.

Les incontournables Belles-soeurs

On l'a dit et redit depuis un an: avec le concours de Daniel Bélanger, René Richard Cyr adapte le classique des classiques de Michel Tremblay en théâtre musical. Il s'agira assurément d'un des moments clés du printemps. On ne doute pas une seconde que Daniel Bélanger, de plus en plus attiré par une forme de chant choral dans ses albums, ait trouvé le ton juste pour se glisser dans l'univers polyphonique du dramaturge québécois. Ne manque plus que la rencontre avec la scène... et les comédiennes. Les Belles-soeurs bénéficie d'une distribution d'envergure avec entre autres Marie-Thérèse Fortin, Guylaine Tremblay, Maude Guérin, Suzanne Lemoine, Dominique Quesnel, Kathleen Fortin et Janine Sutto. Au Théâtre d'Aujourd'hui du 29 mars au 1er mai, puis à Joliette à compter du 25 juin.

Sonate d'automne

Ingmar Bergman a oeuvré au théâtre avant de se consacrer au cinéma, mettant en scène des pièces de Molière, Ibsen, Albee et bien sûr de son compatriote Strindberg. Sonate d'automne a toutefois été écrite pour le cinéma. Ce face à face mère-fille a d'ailleurs marqué les esprits puisque, au grand écran, il mettait aux prises Ingrid Bergman et Liv Ullmann. Sous la direction de Marcel Pomerlo, ce huis clos axé sur les retrouvailles grinçantes de Charlotte et d'Eva mettra en vedette Andrée Lachapelle et Marie-France Marcotte. Gabriel Arcand et Chantal Dumoulin complètent la distribution de ce spectacle à l'affiche chez Prospéro du 13 avril au 8 mai.

Ronnie Burkett, magicien de la marionnette

Le nom de Ronnie Burkett ne vient jamais seul. Il est toujours suivi de près par des termes comme «virtuose», «magicien» ou une foule de superlatifs vantant sa maestria. Le marionnettiste torontois revient à Montréal au printemps (entre le 22 avril et le 1er mai, à la Cinquième salle de la Place des Arts) pour présenter Billy Twinkle, Requiem For A Golden Boy. Après avoir raconté le destin d'un simple d'esprit orphelin, Ronnie Burkett met sa sensibilité au service d'une autre histoire de destin brisé: celui de Billy Twinkle, un marionnettiste qui divertit les touristes sur un bateau de croisière, jusqu'au jour où il est congédié...

Emmanuel Schwartz en Caligula

Marc Beaupré a été dirigé par son ami Emmanuel Schwartz dans Maxquialesyeuxsortisducoeur, présenté au début de l'automne à La Chapelle. Les rôles seront inversés pour l'adaptation du Caligula d'Albert Camus proposé au même endroit par la compagnie Terre des hommes, du 29 avril au 15 mai. Il s'agit d'un «Caligula remix», précise Marc Beaupré dans un courriel, «parce qu'il s'agit d'abord et surtout d'une interprétation, d'une présentation de l'âme de Caligula». Le jeune metteur en scène trouve ainsi le moyen d'explorer le destin de l'empereur révolté à travers les icônes modernes que sont les DJ et les chefs d'orchestre. Emmanuel Schwartz campe bien sûr le rôle-titre, mais signe également, avec Benoît Beaupré, la conception musicale et sonore du spectacle.