C'est un objet très stylisé et franchement comique que nous a offert Ubu dans le cadre du FTA. Une fête pour Boris est un nouveau volet de son incursion dans l'univers de l'auteur autrichien Thomas Bernhard.

Au centre de la scène de la nouvelle salle du Conservatoire d'art dramatique, un grand rideau métallique dissimule un écran sur lequel sont projetées des photos qui semblent sorties d'un album de famille.

 

La comédienne Christiane Pasquier n'est qu'aigreur et méchanceté dans le rôle de la Bonne Dame, sorte de reine sans jambes irascible, méprisante et tyrannique, qui abuse de l'affabilité de Joanna, sa dame de compagnie (Sébastien Dodge). La (le) pauvre, qui doit endurer toutes les injures de madame, promène sa maîtresse dans un fauteuil roulant. Il consacre une grande partie de son temps à lui donner des gants et des chapeaux entreposés dans un immense cylindre roulant.

Voilà un peu le ton de cette pièce, qui s'appuie sur une esthétique à la fois froide et très recherchée. Ce minimalisme amplifie la drôlerie et la cruauté de l'affaire.

Dans une longue tirade, Bonne Dame nous entretient de son mépris pour tout ce qui est tout en enfilant une interminable série de chapeaux et de gants plus étonnants les uns que les autres. À la fin surgissent de drôles de créatures - d'abord son mari, Boris, cul-de-jatte bête et sans défense pour qui madame organise une grande fête. Puis les convives, une douzaine de culs-de-jatte, en réalité des effigies sur lesquelles sont projetés voix et visages.

L'effet est des plus étranges et déstabilisants. Marleau reprend ici son travail sur l'absence de l'acteur sur scène (dans le même esprit que Fantasmagories technologiques I, II, III) en faisant intervenir la présence de «vrais acteurs», ce qui intensifie l'effet d'étrangeté.

Quant à Christiane Pasquier, elle offre une caricature très délicieuse du personnage de maîtresse de maison tyrannique qu'elle avait joué plus tôt cette saison dans Le complexe de Thénardier.

Marleau a donc pris le parti de l'absurdité en s'offrant cette farce cruelle pour poursuivre sa recherche scénique. Quant aux spectateurs, ils se délectent de cette langue assassine, de ces échanges sans queue ni tête entre humains et robots, de cette mise en scène d'une grande précision qui met en valeur toute la folie du théâtre de Thomas Bernhard.

Oubliez les bons sentiments. La fête de Boris est tout en cruauté et en humour noir. Tant pis pour les culs-de-jatte.

Une fête pour Boris, texte de Thomas Bernhard et mise en scène de Denis Marleau, jusqu'au 24 mai au Théâtre du Conservatoire d'art dramatique dans le cadre du festival TransAmériques.