À sa naissance au début des années 80, Provincetown Playhouse, juillet 1919, j'avais 19 ans, de Normand Chaurette s'inscrivait dans un courant de romantisme gai jalonné notamment par des pièces comme Les Feluettes ou Being at Home with Claude.

En 2003, au Hors Bord, Carole Nadeau revisitait cette oeuvre phare de l'oeuvre de Chaurette. Mais la directrice artistique de la compagnie le Pont Bridge a choisi d'évacuer le romantisme et la revendication sociale, pour plutôt faire de Provincetown Playhouse un thriller frayant avec l'horreur.

 

C'est cette proposition qui ces jours-ci prend l'affiche du Théâtre d'Aujourd'hui.

Une production qui a fait du chemin, depuis cinq ans. En février 2004, Provincetown Playhouse était parmi les pièces finalistes dans la catégorie Meilleur spectacle au 1er Festival international de théâtre de Montevideo. La pièce a ensuite pris l'affiche à Québec, puis a été reprise à Montréal en 2004. «Je peux dire qu'on atteint un raffinement, une certaine progression dans la mise en scène et une plus grande finesse dans la proposition, au fur et à mesure qu'on avance avec ce spectacle», estime le danseur Martin Bélanger, qui a apporté à cette mouture une dimension plus corporelle.

«Dans mes propres créations, j'intègre beaucoup la parole à la danse. C'est pour cette raison que Carole a pensé à me prendre pour le rôle de Charles Charles 38. Ma façon d'aborder le texte, en danse, est davantage de l'ordre du spoken word. Cette forme l'intéressait, pour Provincetown Playhouse», explique l'artiste.

Thriller multidisciplinaire

On retrouve donc le personnage de Charles Charles 38 qui, entre ses quatre murs d'un asile de Chicago, joue et rejoue le film de la nuit du 19 juillet 1919, soit de l'unique représentation du Théâtre de l'immolation de la beauté au Provincetown Playhouse. Ce fameux soir, un enfant y a été tué de 19 coups de couteau par les amis de Charles, Winslow et Alvan. Carole Nadeau est partie de cette prémisse pour concevoir un thriller en 19 tableaux, où la folie et l'humour pimentent l'atmosphère.

«Il y a un aspect très hachuré, dans la façon de voir le texte. Il y a un mélange de moyens (médiatiques, projections, réflexions dans les miroirs) qui renforcent les liens entre chacun des aspects de la pièce», poursuit celui qui livre un jeu performatif, un «non jeu», tout en ayant un souci d'être fidèle au texte de Chaurette.

Avec l'approbation de l'auteur, le texte a été raccourci et remonté sous forme de collage avec d'autres éléments médiatiques. Si bien que le thriller prend la forme d'une mise en abîme.

Une distorsion de l'oeuvre originale qui a plu à Marie-Thérèse Fortin, la directrice artistique du Théâtre d'Aujourd'hui, qui pour les 40 ans du théâtre a voulu présenter des textes d'auteurs marquants du répertoire québécois. Rien ne se perd, tout se transforme...

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Provincetown Playhouse, Juillet 1919, j'avais 19 ans, texte de Normand Chaurette, mise en scène de Carole Nadeau, du 13 au 31 janvier au Théâtre d'Aujourd'hui.