J'étais invitée, plus tôt cette semaine, à une journée de lectures publiques, de réflexions et de débats sur le théâtre «pour» adolescents. L'événement s'appelait Paroles croisées et réunissait à la Maison Théâtre des gens de théâtre européens et québécois qui avaient tous des points de vue fort différents sur ce que cela signifie, de «créer pour l'adolescence».

Il y a la compagnie Le Clou qui a trouvé un filon gagnant auprès du public de plus de 12 ans. Sinon, les ados, ils ont droit au théâtre Denise-Pelletier, qui a comme mission de leur apprendre quelque chose tout en les initiant au théâtre. Si ça leur fait aimer le théâtre? Faudrait leur demander...

 

«55 minutes» est la réponse qu'a donnée l'auteur Jean-Frédéric Messier à la question de l'animateur d'une table ronde qui interrogeait des auteurs sur la spécificité d'une pièce dite «pour public ado». Quelqu'un, quelque part, a décidé que pour garder captive une classe de secondaire trois, il fallait faire bref.

Savez, les jeunes, ils zappent, leur capacité d'attention est déficitaire, l'autobus attend à la porte du théâtre et ils ont un cours de maths après la pièce...

Mais à part le sablier réglé à 55 minutes, les critères précis pour circonscrire le genre «écrire pour l'adolescence» ont brillé par leur absence. Francis Monty a évoqué le recours à des «effets spectaculaires», dans la conception des spectacles du Théâtre de la Pire Espèce.

La chorégraphe Hélène Blackburn a parlé de son souci du caractère «multi-tâche» de l'ado contemporain, lors de la création du Cabaret dansé des vilains petits canards, sa première (et unique) pièce pour ado. En guise de grain de sel personnel, l'auteur Philippe Dorin a fait valoir que la découverte du théâtre, à l'adolescence, était une manière d'affirmer son unicité. Quelqu'un a peut-être évoqué l'appel au caractère subversif de ce temps de la vie, à la pertinence d'esquisser des intrigues chargées d'une soif d'absolu.

Évidemment, plus personne n'oserait aujourd'hui prétendre qu'il faut utiliser la création théâtrale pour informer les ados des risques des ITS, des gangs de rue, de la musique trop forte dans le iPod ou que sais-je encore...

Mais à l'issue de tous ces pourparlers sur l'art «vers» (et non «pour») les adolescents, personne n'a pu énoncer clairement quel langage il fallait employer pour s'adresser aux ados. Assoiffés de Wajdi Mouawad et Benoît Vermeulen (qui a été créé pour le public ado) est-il plus «ado friendly» que Contes d'un Indien urbain (spectacle «adulte» repris cette saison à la Maison Théâtre)? Je n'en ai aucune espèce d'idée. L'héritage de Darwin, qu'Évelyne de la Chenelière a destiné aux ados, est-il plus accessible au jeune public que ses pièces Bashir Lazar ou Des fraises en janvier? Faut-il créer des personnages adolescents pour intéresser les jeunes?

En vérité, cette journée de réflexions sur la création pour l'adolescence m'a laissée avec une tonne de questions sans réponse. Sachant que les jeunes sont très souvent au théâtre - sorties de classe obligent - je me suis dit que leur mandat était peut-être de transmettre le goût de l'art vivant à leurs parents. Parce que la proportion de la population adulte qui fréquente les théâtres se situe entre 4% et 8%. Et que c'est du «théâtre pour grandes personnes» que l'on devrait discuter la prochaine fois.

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