Le 4 octobre dernier, les policiers de Québec ont arrêté Jean-Claude Karera, homme au lourd passé criminel issu du gang des WolfPack. L'accusation: voies de fait. Mais ce qu'on a découvert ce jour-là autrement plus inquiétant. L'ex-membre de gang de rue avait un nouvel emploi et s'était recyclé... dans l'installation de systèmes de sécurité.

Voilà le genre d'individu que souhaite chasser des firmes privées de sécurité le Bureau de la sécurité privée (BSP). Créé en 2006 par l'Assemblée nationale, l'organisme a pour mandat de nettoyer le secteur de tout travailleur possédant un antécédent judiciaire.

Dans sa ligne de mire: les agences de sécurité, firmes de convoyage et d'investigation, bien sûr, mais aussi des entreprises spécialisées dans l'installation de systèmes électroniques de surveillance ou d'alarme, jusqu'aux serruriers. Les agents des entreprises qui assurent leur propre sécurité font aussi partie du lot. Bref, le BSP passe le balai dans une industrie qui compte de 30 000 à 35 000 travailleurs.

«Les gens n'ont pas l'impression qu'ils utilisent des services de sécurité privée alors qu'en réalité, ils en consomment beaucoup», explique Denis Lévesque, directeur général du BSP.

Depuis juillet 2010, entreprises et employés du secteur de la sécurité privée doivent se procurer un permis du BSP pour être en activité légalement. «Personne ne peut offrir un service de sécurité sans détenir un permis», souligne M. Lévesque. Seul critère pour l'obtenir: montrer patte blanche, et ce, que l'on travaille sur le terrain ou dans les bureaux d'une société de sécurité privée.

Deux ans après avoir entamé le processus d'enregistrement, le BSP a rempli une partie de sa mission. En mai dernier, l'organisme a ajouté à son site web un registre des agents à celui des agences qui s'y trouvait déjà. Une banque de plus de 30 000 noms où ne figurait pas celui de Jean-Claude Karera, pas plus que celui de l'entreprise pour laquelle il travaillait, ET Protech System.

«Ç'a été long avant d'atteindre notre vitesse de croisière, mais la roue commence à tourner et ça va aller en accélérant», explique Denis Lévesque.

Chasse ouverte

Le BSP a lancé au printemps dernier une campagne de visibilité pour inciter entreprises et particuliers à vérifier que les firmes de sécurité avec lesquelles elles font affaire sont dûment enregistrées. Pour faciliter la recherche, on a même doté les permis d'un code QR, code-barres à deux dimensions. En le lisant avec un téléphone intelligent, on peut désormais accéder directement aux registres du BSP pour vérifier l'état d'un permis.

Sans s'éloigner de sa mission de faire connaître l'existence des registres, l'organisme entend désormais mettre l'accent sur la chasse aux entreprises et travailleurs autonomes qui ne sont toujours pas enregistrés.

«Je pense que les gens qui se cachent vont commencer à stresser un petit peu maintenant», dit le directeur général du BSP.

Selon lui, de 200 à 300 agences travailleraient toujours sans permis. Celles-ci s'exposent à des amendes allant de 500 à 5000$. Pour les agents sans permis ou qui se sont vu retirer le droit d'exercer, la sanction se situe entre 150 et 4500$.

Agences et agents ne sont toutefois plus les seuls à être visés par la loi.

«Une personne qui contrevient consciemment à la loi en donnant un contrat à une entreprise qui n'a pas de permis est elle aussi passible d'une amende», explique Denis Lévesque qui croit que cette mesure va contribuer à forcer la main des agences qui ne sont pas enregistrées. «La possibilité de perdre des clients est beaucoup plus importante que d'avoir à payer une amende», ajoute-t-il.

Sécurité électronique

Un secteur échappe toutefois encore au contrôle du BSP: celui de la sécurité informatique.

«Beaucoup de firmes technologiques s'occupent de sécurité informatique, indique M. Lévesque. Il y a aussi des individus qui gèrent des pare-feux dans les grandes entreprises et qui protègent des milliards de dollars électroniques, mais pour l'instant, seul le gardien à la porte de la banque doit être enregistré.»

Selon lui, il n'est pas dit que le BSP assumera un jour un rôle dans la vérification du dossier des travailleurs de ce secteur. «Le Bureau veut s'y attaquer», dit-il avant d'ajouter qu'il y a un travail de conscientisation à faire pour que la loi sur la sécurité privée soit, un jour, modifiée.