Au moment d'aller draguer les bailleurs des fonds, les leaders des PME se demandent si le domaine d'activité de leur entreprise a la cote auprès des financiers. Nous avons donc demandé à quelques experts quels secteurs avaient actuellement la faveur du capital de risque. Il appert, en gros, que la transformation alimentaire, le secteur manufacturier et les technologies de l'information soient les chouchous des investisseurs. Et si on regarde plus attentivement, on a des surprises.

Transformation alimentaire spécialisée

Votre PME fait dans la confiserie à base de chocolat et d'érable? Les investisseurs en capital de risque vont vous adorer. «Actuellement, tout le secteur de la transformation alimentaire est l'objet des sollicitudes des financiers, révèle Jean Matuszewski, économiste et président d'E&B Data, firme d'analyse économique montréalaise. La forte croissance que vivent les petits transformateurs alimentaires est un véritable aimant pour le capital.»

Les centaines de fromagers, confiseurs, producteurs de cidres de glace et autres spécialités ont la cote, selon M. Matuszewski, parce que leur marché grandit vite, beaucoup grâce à l'exportation. «Saviez-vous que nous exportons du cheddar vieux en Angleterre, pays où le cheddar est né? Tous les produits alimentaires de luxe québécois, y compris les produits ethniques, halals ou cachères, s'exportent de mieux en mieux.»

Comme ces entreprises de transformation alimentaire sont souvent situées en région, la tendance actuelle fait mentir deux dogmes. Le premier est qu'en région, les financiers ne s'intéressent qu'aux PME agroforestières. Le second est qu'on ne trouve à se financer que dans les grandes villes.

Les manufacturières à la mode

Chaque trimestre, le Réseau Capital publie une analyse des tendances en investissement au Québec et au Canada. Au deuxième trimestre de 2013, les entreprises québécoises ont reçu 246 millions de dollars des financiers. Et 43% de cet argent est allé au secteur dit "traditionnel", nommément le manufacturier.

«Depuis 2009, le secteur manufacturier attire beaucoup d'argent au Québec, confirme Jack Chadirdjian, président-directeur général du Réseau Capital. On peut dire qu'avec les technologies de l'information et les technologies propres, c'est un des secteurs résolument et constamment soutenus par le capital de risque ces dernières années.»

Et pour séduire l'oncle riche, dans quels domaines les PME manufacturières doivent-elles travailler? «Tout d'abord, il y a présentement un afflux d'argent frais dans le sous-secteur des biens d'équipement, constate M. Matuszewski. Nos PME qui ont commencé leur carrière en réparant des machines industrielles et qui passent à l'étape suivante, en fabriquer des neuves, sont bienvenues chez le financier en raison d'une forte croissance potentielle.»

Tout fabricant d'équipement industriel, agroforestier, d'emballage ou de manutention sera reçu à bras ouverts. Il y a aussi un engouement pour les manufacturiers de véhicules spéciaux: ambulances, camions de pompiers, etc. «Les marges y sont énormes, souligne M. Matuszewski. Et même pour le fabricant de petits trains qui baladent les enfants dans le centre commercial!»

Finalement, on constate que les produits de bois d'ingénierie (structures apparentes d'édifices comme les arénas ou les amphithéâtres) ou de décoration (l'intérieur de l'Orchestre symphonique de Montréal, par exemple) se financent très bien.

Technologies de l'information

iNovia Capital se spécialise dans le financement d'entreprises du secteur des technologies de l'information et de la communication (TIC). Cette société montréalaise de capital de risque a un faible pour trois types de PME.

«Les sociétés qui offrent des logiciels en ligne à la demande (software as a service, ou SAAS) pour les entreprises arrivent en tête de celles qui nous intéressent», souligne Christopher Arsenault, président d'iNovia.

Dans le passé, les grands logiciels de gestion intégrée, de gestion des ressources humaines, etc. coûtaient les yeux de la tête, et seules les très grandes entreprises avaient les moyens de se les payer. Plus maintenant. «Au lieu de vendre ces outils de gestion, des PME les offrent aux entreprises qui paient à l'usage, au mégabit ou à l'heure. La PME qui offre le service héberge les logiciels. L'usager n'a plus à payer la licence ni à acquérir de gros serveur pour loger l'application. On accède au logiciel par le web.»

Au palmarès des TIC viennent ensuite les logiciels spécialisés portables, montres, lunettes, bracelets santé et autres supports nouveau genre pour un micro-ordinateur.

«Et finalement, nous avons un faible pour les PME offrant aux entreprises la capacité d'analyser en temps réel des masses énormes de données (big data analytics) relatives à la clientèle, aux produits et services vendus.»

Selon Thomas Martinuzzo, directeur, développement des affaires et démarrage d'entreprises chez Univalor, les innovations logicielles accessibles par infonuagique font le bonheur des investisseurs. «La clientèle industrielle pour ces applications est très importante et en croissance constante. Lancer une telle application et son accès par infonuagique peuvent se faire pour moins de 100 000$, et le taux multiplicateur à la sortie est très élevé. D'où l'engouement.»

Univalor est la société de valorisation des innovations de l'Université de Montréal.

Ajoutons que, selon l'analyse d'E&B Data, les PME qui développent des logiciels de simulation et de jeux sont de véritables aimants à dollars.

Capital spécialisé

Jack Chadirdjian suggère aux PME de certains secteurs de s'adresser à certains fonds spécialisés: les PME qui font dans les technos propres pourraient parler à Cycle Capital, celles des sciences de la vie, à Amorchem et celles des TIC, à iNovia Capital ou Real Ventures. Pour les manufacturières, il suggère les fonds fiscalisés comme Fondaction ou le Fonds de solidarité.