Le constat

Ce transfert de l'entreprise en deux ou plusieurs étapes est une bonne stratégie, aux yeux de Daniel Vezeau, conseiller au Centre de transfert d'entreprises de la Mauricie. En cédant 50% de ses actions à sa fille, M. Hardy lui a démontré sa volonté de lui laisser peu à peu sa place.

«On voit des transferts familiaux où le parent fait des promesses, mais tarde à les concrétiser, commente-t-il. Il finit par miner la confiance de l'enfant et par créer des tensions à l'interne qui s'étendent à toute l'entreprise.»

Cependant, il déconseille que le rachat d'une entreprise familiale soit financé par le seul parent fondateur. «C'est comme s'il devenait une banque, et les enfants en abusent souvent», observe-t-il. Le parent, pour sa part, tendra à s'immiscer dans les affaires de l'entreprise tant que la créance n'aura pas été acquittée.

Les suggestions

Geneviève pourra en partie financer le rachat des parts de son père auprès d'une institution financière en offrant les actifs de l'entreprise en garantie, dans la mesure où le niveau d'endettement de l'entreprise demeure acceptable aux yeux des créanciers.

À défaut, il faudra faire appel à d'autres formes de financement.

L'une de celles-là est le Fonds Relève Québec, un programme consacré au transfert d'entreprises familiales, financé par les trois fonds fiscalisés du Québec et le gouvernement du Québec. Ce capital de risque a son prix - un représentant du Fonds siègera au conseil d'administration de l'entreprise -, mais aussi ses avantages. «Si des fonds supplémentaires sont nécessaires pour la croissance, ils sont là», fait valoir Daniel Vezeau. «Des ressources techniques sont disponibles aussi, ce qui aide grandement la relève.»

Puisant à d'autres sources, Geneviève pourrait également former une coopérative de travailleurs actionnaires. «Les coopératives de travailleurs actionnaires ont accès à du financement qui souvent n'est pas disponible aux entrepreneurs», indique Daniel Vezeau.

Enfin, son père pourra lui accorder un crédit vendeur (une balance de vente, en langue vernaculaire), c'est-à-dire un prêt sur le solde de prix de vente.

«Si les repreneurs qui achètent une entreprise ont besoin d'être accompagnés pendant un certain temps par l'entrepreneur cédant, le meilleur moyen de se l'attacher consiste à conserver un solde de prix de vente avec lui», explique M. Vezeau. Le fondateur doit cependant fixer une date de sortie définitive.

Avec un mélange approprié de sources de financement, «je suis sûr qu'il serait possible de libérer M. Hardy à 80% et de ne conserver qu'un petit lien pour les cinq dernières années qui lui restent», affirme le conseiller.

Les précautions

Un aspect capital est souvent négligé. «À chaque fois que les enfants veulent racheter une entreprise familiale, je leur demande : qu'en pense votre mère?»

Il parle d'expérience : la maman ne veut pas de dissension dans la famille, ni que ses enfants souffrent ou que son mari s'inquiète.

Si un conseil de famille est réuni pour discuter du transfert de l'entreprise, il est essentiel que la mère y exprime son point de vue. La même précaution s'applique aux enfants qui demeurent cois. Pour que ces silences éloquents soient perçus et entendus, M. Vezeau recommande souvent que les conseils de famille soient animés par un psychologue organisationnel.