Réjean Hardy est semi-retraité, ce qui signifie qu'il travaille énormément.

Le président de Hardy Filtration est difficile à joindre... parce qu'il délègue de plus en plus. «La semaine dernière, j'étais à Toronto avec mon directeur des ventes pour lui présenter des fournisseurs et des distributeurs, pour qu'il puisse prendre la relève», relate-t-il.

Il s'était juré qu'à 60 ans, il ne travaillerait que trois jours par semaine et qu'il ne détiendrait plus que la moitié de la propriété de son entreprise.

Il a eu 60 ans cette année.

Fidèle à son plan de fin de carrière, il a cédé en juin dernier 50% des actions de Hardy Filtration à sa fille Geneviève. Sa semaine de travail est plus longue que les trois jours espérés, mais il vise néanmoins la retraite complète à 65 ans. «Le scénario, c'est de vendre le reste de l'entreprise à Geneviève, ou à Geneviève et à d'autres.»

Toute la question est de bien mener cette transition.

De père en fille

Hardy Filtration fabrique et distribue une large gamme de produits de filtration pour des applications variées: filtres à air, cabines de peinture, dépoussiéreurs, filtration d'eau et d'huile... La quinzaine de produits de son catalogue se décline en plus de cent versions et tailles.

Son marché couvre tout l'est du Canada, depuis l'Ontario jusqu'au Labrador. Ses clients sont des grandes entreprises manufacturières, des édifices commerciaux, des ateliers de carrosserie.

Sur les géants américains des filtres à air, il a l'avantage de la proximité, de la vitesse, de la souplesse. «Ce qui nous permet de nous démarquer pour battre des gros comme ça, c'est le service rapide de livraison, explique-t-il. Quand ils ont une commande, ils ne peuvent pas livrer en moins de deux semaines, alors que nous livrons chez le client en trois à cinq jours, dans tout l'est du Canada.»

Une nouvelle usine de 33 000 pi2 a été inaugurée en 2009. «Je l'ai construite moi-même, d'un bout à l'autre», lance fièrement l'ancien entrepreneur général.

Signe du succès de l'entreprise, le bâtiment est déjà utilisé à pleine capacité. «On est plein! L'an passé, on a ajouté une mezzanine de 2500 pi2 et il est possible qu'on agrandisse l'usine en 2013.»

Les deux enfants de Réjean Hardy ont travaillé dans l'entreprise paternelle durant leurs études.

Son fils Patrick nourrissait plutôt la passion de l'aéronautique, mais sa fille Geneviève a montré un grand intérêt pour l'entreprise. Forte d'une solide formation en administration et en logistique, elle s'est jointe à son père dès la fin de ses études. Elle a pris la direction des opérations en 2008. Elle détenait alors une participation de 13% dans l'entreprise. Devenue directrice générale en juin 2012, elle en possède désormais la moitié.

«C'est moi, en arrière, qui ai financé ce scénario pour faire place à la relève», indique son papa.

Car la relève et le financement du rachat partiel ou complet de l'entreprise sont le principal défi du fondateur d'une entreprise, soutient-il.

«On le voit dans le domaine agricole: les jeunes ne trouvent pas le financement pour acheter la ferme de leur père, fait-il valoir. Dans l'industrie, plus l'entreprise croît, plus les montants pour l'achat deviennent exponentiels.»

Comment financer un tel transfert sans surcharger sa fille de dettes trop contraignantes?

Il trace le programme: «Il faut que ça soit harmonieux, que ça coule comme sur le dos d'un canard, que les employés ne soient pas inquiets, qu'ils voient une transition qui se fait bien, avec transparence, entre le père et la fille.»

Plus que cinq ans.



UN PEU D'HISTOIRE


En 1993, Réjean Hardy était encore entrepreneur général dans la région de Trois-Rivières, copropriétaire d'une entreprise de construction. Un ami lui a alors proposé de s'associer avec lui dans la distribution de systèmes de filtration d'eau, principalement pour l'industrie lourde. Il a plongé. Un an plus tard, il cédait ses parts dans l'entreprise de construction pour se consacrer à temps plein à la filtration.

Devenue Hardy Filtration, l'entreprise a peu à peu étendu sa gamme, y ajoutant les filtres à air, puis les filtres à huile.

Franchissant un pas important, l'entreprise a décidé en 1999 de fabriquer ses propres filtres à air.

Question de compléter son offre, Réjean Hardy a acheté en 2010 un fabricant de sacs pour dépoussiéreurs, dont il a intégré l'équipement dans son usine.

L'entreprise de Trois-Rivières compte maintenant 45 employés. En 2010, la croissance s'est fixée à 15%, elle a atteint 21% en 2011, et elle tend cette année vers 20%.

Le chiffre d'affaires a dépassé les cinq millions de dollars. Réjean Hardy résume: «Ça va bien.»