Pourquoi innover dans la gestion de ses employés? Parce que le recrutement coûte cher, très cher aux entreprises. Et dans un monde où la compétition est de plus en plus dure en terme d'attraction de la main-d'oeuvre, les PME doivent savoir jouer d'ingéniosité pour offrir aux travailleurs un emploi et un environnement de travail à la hauteur de leurs attentes.

Un défi considérable pour 95% des PME au Québec, qui sont des petites entreprises n'ayant pas les moyens d'engager un employé qui s'occupe à temps plein de la gestion des ressources humaines, avance Diane Bazire, conseillère d'affaires en RH pour BDC Consultation.

«Les employeurs ne doivent donc pas avoir peur de considérer des idées qui peuvent avoir l'air farfelues, qui sortent des sentiers battus; bref, de trouver ce qui est innovant pour eux, au sein de leur entreprise.»

Pour y arriver, il faut parfois oser abandonner la structure traditionnelle de gestion.

Ainsi, un des clients de Mme Bazire, qui se spécialise dans la production de vitrines sous vide pour les musées, a délaissé l'organigramme hiérarchique traditionnel pour un modèle «matriciel» qui fonctionne par gestion de projets.

«Ses employés ont du travail à l'année et ça ne lui a pas demandé d'investissement majeur», note Mme Bazire.

«Les meilleurs employés sont ceux qui veulent changer les choses... Malheureusement, ils sont souvent bloqués dans une structure rigide, une vieille méthode héritée des chaînes de montage. Chez nous, il n'y pas vraiment de structure hiérarchique et les employés peuvent exprimer leurs idées», ajoute Jean-Michel Ghoussoub, coprésident d'Uranium Interactive, une boîte d'une trentaine d'employés fondée en 2001 et spécialisée en conception de sites web.

Gestion de proximité

Pour André Savard, expert et conseiller en gestion de RH, le constat est clair: au-delà de la mobilisation, c'est l'engagement individuel qu'il faut susciter.

«On a beaucoup travaillé sur la mobilisation avec des programmes qui s'adressaient aux groupes sans vraiment se préoccuper de l'individu. Mais l'engagement, c'est un processus individuel. On se joint à une organisation, mais on quitte un patron!», précise-t-il.

M. Savard suggère donc de privilégier une gestion de proximité qui mise sur la reconnaissance non monétaire au quotidien. «On a eu tendance par le passé à croire qu'il faut maintenir une distance avec ses employés, mais c'est fini ce temps-là! Il faut que les gestionnaires développent le réflexe de se rapprocher des gens, de les connaître et de pouvoir ainsi reconnaître leur bon travail. Par exemple, en se disciplinant à prendre un employé en flagrant délit de bien faire une fois par jour! La reconnaissance, c'est un outil efficace à la portée de tous.»

Pour aider les gestionnaires dans les PME, qui, note M. Savard, seraient à 57% formés «sur le tas», le conseiller travaille présentement à un outil de formation et de suivi en ligne pour le gestionnaire moderne.

Nommée Osiris, cette boîte à outils donnera des trucs simples sur la reconnaissance, l'engagement, comment gérer l'absentéisme, etc. Le tout devrait être fonctionnel d'ici novembre au kapcom.ca.

La culture de l'individu

L'innovation en RH passerait-elle finalement par le retour à une de ses composantes essentielles, l'humain?

Cela ne fait aucun doute pour M. Ghoussoub: «Avec les réseaux sociaux, on est de plus en plus dans une culture de l'individu, de personnal branding. Les meilleurs employés sont aussi les plus mobiles et les premiers à partir lorsqu'ils sont mal traités. Ici, on traite nos employés comme des êtres humains et nos employés travaillent fort pour le bien de l'entreprise; c'est une relation donnant-donnant», affirme celui qui possède aussi une formation en RH.

Une priorité qui se voit partout chez Uranium Interactive, jusque dans les plus petits détails.

Vive l'espresso

Ce sont les employés, et non les patrons, qui ont des bureaux près des fenêtres. La boîte organise à ses frais des partys de Noël et d'été. Dans le grand lounge qui sert aussi de cafétéria, une table ronde qui incite aux échanges, une table de billard et une machine à café espresso.

Ses employés ont même eu droit à des formations d'un barista, d'une oenologue et d'un champion canadien de billard!

Alors que son entreprise oeuvre dans un secteur où la compétition est féroce pour les meilleurs talents, M. Ghoussoub affirme que son roulement de personnel est très bas.

«Il y a une corrélation presque directe entre la qualité du café que tu sers à tes employés et ton taux de roulement! lance-t-il. Le problème, c'est que les entreprises sont gérées par des gens de la vieille école qui veulent tout rentabiliser à court terme. Mais tout n'est pas mesurable avec des chiffres!»

L'opinion de notre entrepreneur

Il y a un potentiel énorme dans la tête des gens, un potentiel qu'il faut concrétiser.

Chaque entreprise doit trouver la structure qui lui convient, selon l'importance qu'elle accorde à la participation de ses employés, de ses clients, de ses fournisseurs.

Si on croit suffisant de faire appel à une firme spécialisée en innovation, on se trompe. Et on ne saurait trop insister sur l'importance que la direction croit en l'importance d'innover.

Auparavant, Cascades n'avait pas de structure d'innovation. Nos gens apportaient des idées disparates, notamment à cause de notre structure décentralisée.

On s'est dit qu'on serait plus efficaces en ayant un point de référence, en coordonnant et en ciblant les idées les plus porteuses. Plus tu pousses l'innovation, plus tu améliores tes produits, plus il devient difficile de les améliorer.

Il vient un moment où une structure peut s'avérer nécessaire. Il faut cependant s'assurer qu'elle vienne stimuler et non pas alourdir le processus créatif. Il n'est pas toujours nécessaire d'avoir un système de gestion de l'innovation très formel, dépendant de la taille de l'entreprise et de son secteur d'activité.

Dans une petite ou moyenne entreprise, si quelqu'un dans l'organisation a une affinité, un intérêt ou une formation en lien avec l'innovation, on peut lui confier cette responsabilité et ça va faire le travail quand même.

Établir une stratégie, une structure ou faire appel à une aide externe peut aider à satisfaire ces critères. De plus, une structure permet de poser un diagnostic pour mesurer notre efficacité à innover.