Après une carrière bien réussie dans l'industrie pharmaceutique, ils auraient pu ranger leurs éprouvettes. 

Mais ils sont de retour, le plus souvent à des postes clés, tout le long de la chaîne de valorisation des produits biopharmaceutiques, de la découverte initiale à la gestion des nouvelles entreprises qui en résultent. On les trouve dans les labos avec les chercheurs, jusque dans les entreprises de biotechnologie, et même dans le capital de risque spécialisé en sciences de la vie. 

« C'est un mouvement essentiel dans notre écosystème, souligne Daniel Hétu, associé directeur chez Lumira Capital. L'expérience des vétérans fait que nos jeunes biotechs de seconde génération ont des modèles économiques plus viables que celles de la génération précédente. » 

Lumira Capital, société d'investissement à risque, spécialisée dans la biopharmaceutique, est elle-même un bel exemple du retour des vétérans. 

Outre M. Hétu, un ancien de chez Shire et de Biochem Pharma, on y trouve comme associés Brian Underwood et Beni Rovinski. Les deux se sont joints à Lumira après de belles carrières chez Pasteur-Mérieux, aujourd'hui Sanofi Pasteur. 

D'autres biotechs dont le siège est au Québec profitent aussi du travail des vétérans de l'industrie, notamment Milestone Pharma, Telesta Therapeutics et enGene.

CAPITAL DE RISQUE

Les sociétés pharmaceutiques, toujours en quête de moyens de pallier les carences de leurs portefeuilles de produits, se tournent également vers de nouvelles associations. 

Ainsi, Merck a décidé, en mars 2012, d'investir 35 millions chez Lumira. « Ce n'est pas la première fois que Merck le faisait, précise M. Hétu. Pour nous, c'est la possibilité d'accéder au savoir des spécialistes de Merck à chaque étape du développement des compagnies dans lesquelles nous investissons. »

C'est un autre type de présence des vétérans dans l'écosystème. « Comme nous prévoyons investir dans d'autres entreprises en 2016, elles aussi profiteront de cette symbiose », ajoute-t-il. 

Il n'y a pas que Merck qui s'implique dans le capital de risque. GlaxoSmithKline (GSK) a créé SR One, qui a jusqu'ici placé 1 milliard dans plus de 170 entreprises dans le monde. 

SR One, créée en 1985, est l'ancêtre des sociétés de capital de risque détenues par des pharmas. 

Pfizer a emboîté le pas en fondant Pfizer Venture Investments dès 2004. Et en 2007, en mettant la main sur MedImmune, une grande biotech américaine, Astra Zeneca a aussi empoché MedImmune Ventures, la société de capital de risque de la biotech. 

Ces sociétés collaborent parfois entre elles. Ç'a été le cas plus tôt cette année quand la petite biotech montréalaise Gladius Pharmaceutique a reçu une ronde de financement de 4,1 millions. Cet argent provenait de Lumira, à travers Merck Lumira, du Fonds FTQ et de SR One.

GSK DANS UN LABO DE SHERBROOKE 

Richard Leduc, chercheur à l'Université de Sherbrooke, va également accéder au savoir des vétérans de l'industrie pharmaceutique. 

En octobre dernier, le spécialiste d'une certaine catégorie d'enzymes (les enzymes protéolytiques, sortes de sécateurs du monde moléculaire) a reçu un contrat pour peaufiner le design de nouvelles molécules thérapeutiques. 

« Nous avions fait, il y a quelques années, la découverte d'une mutation d'une certaine enzyme en relation avec une terrible maladie, l'hémochromatose héréditaire », se rappelle le Dr Leduc. 

Cette maladie, hélas très courante, entraîne différents troubles, comme le diabète, les problèmes cardiaques, articulaires, etc. 

En mai 2013, le Dr Leduc a gagné un concours lancé par GSK. Cela lui a permis d'identifier plusieurs molécules prometteuses pour soigner la maladie. 

« Mais il fallait aller plus loin, raffiner davantage le travail, insiste Carolyn Buser, responsable des partenariats de découverte avec les universités chez GSK. Cette année nous avons lancé un autre concours, et reçu 140 propositions, dont celle de Richard Leduc. Il est un des huit gagnants de 2015. » 

Le Dr Leduc, en collaboration avec les chimistes de GSK, se donne de trois à cinq ans pour non seulement produire la molécule optimale, mais aussi pour connaître le meilleur dosage qui en fera le médicament souhaité. « Si le médicament est homologué, un pourcentage des revenus restera à l'université et dans mon labo », précise-t-il.