L'époque où tout investissement en immobilier commercial au centre-ville était condamné à recevoir le soutien de l'État pour qu'il puisse voir le jour semble heureusement tirer à sa fin.

C'est l'impression qui se dégage du 7e forum stratégique La métropole et ses grands projets, qui s'est tenu au Palais des congrès vendredi dernier.

Pour la première fois depuis des lustres, des promoteurs privés sont en effet venus expliquer leurs projets d'immobilier commercial au centre-ville de Montréal sans que l'État ait un rôle à jouer directement ou indirectement.

«Cette année, on peut dire qu'on a tourné la page sur une perception que les seuls investissements qui se faisaient à Montréal étaient exclusivement de nature publique et institutionnelle, a expliqué à La Presse Michel Leblanc, président et chef de la direction de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, au terme du forum. Le privé investit, il y a des projets en route et il y a de nouveaux projets d'annoncés.»

Au total, près d'une dizaine de promoteurs y sont venus décrire leurs ambitions. Les investissements totalisent 14 milliards, dont certains sont de nature privée, comme celui de Cadillac Fairview.

«J'annonce qu'au cours des 15 prochaines années, Cadillac Fairview prévoit investir près de 2 milliards pour construire dans le secteur entourant la gare Windsor afin d'en faire un nouveau quartier», a dit Sal Iacono, vice-président principal, développement et gestion immobilière, portefeuille de l'Est du Canada, qui était le dernier promoteur à prendre la parole au cours de l'événement.

Il s'agit d'un projet à vocation mixte, composé de tours de bureaux, de locaux commerciaux et de tours de copropriétés. De la somme totale, 400 millions seront investis dans la construction de la Tour des Canadiens de 50 étages et dans l'édifice de bureaux Deloitte, rue Saint-Antoine, qui cherchera à décrocher la certification écologique LEED platine, soit le nec plus ultra en matière de construction écoénergétique.

M. Iacono n'a pas manqué de rappeler qu'il était lui-même engagé auprès du promoteur qui a mené à terme la construction de la dernière tour de bureaux d'initiative privée au centre-ville de Montréal, il y a plus de 20 ans. C'était la Tour IBM Marathon, que l'on nomme aujourd'hui 1250, René-Lévesque.

Bien sûr, il s'est fait des choses au centre-ville depuis 1992. Mentionnons la construction du siège de l'Organisation de l'aviation civile internationale rue University, le centre d'affaires de la Caisse de dépôt dans le quartier international, la Cité du Multimédia et la Cité du commerce électronique. Tous ces immeubles ont la particularité d'avoir bénéficié d'un appui de l'État, soit directement, comme dans le cas de la Caisse de dépôt, soit indirectement par des programmes de subventions aux locataires des cités du multimédia et du commerce électronique.

Dans la dernière année, Kevric a bien entrepris la construction de la tour Aimia, qui est une tour 100% privée, mais à vocation mixte, puisque 25 des 35 étages seront des copropriétés de luxe. Les dix premiers étages logeront des bureaux, dont ceux d'Aimia, promoteur du programme de fidélité Aeroplan. À la tribune du forum stratégique, M. Iacono avait été précédé par deux promoteurs de projets privés: Michael Broccolini, du Projet Avenue, et Daniel Peritz, de Canderel.

L'investissement public se tarit

Cette résurgence du privé arrive à point nommé pour Montréal, car le robinet de l'investissement public se fermera au terme des chantiers des deux mégahôpitaux universitaires.

«Le démarrage d'autres projets pourrait tarder, prévient d'ailleurs la Commission de la construction du Québec dans sa plus récente revue de l'activité dans l'industrie, de sorte que le soutien du bâtiment institutionnel pourrait vaciller.»

Selon les statistiques compilées par la Communauté métropolitaine de Montréal, les immobilisations privées progressent depuis la fin de la crise de 2008-2009 à Montréal et dépassent les 17 milliards depuis deux ans, aidés principalement par l'investissement résidentiel privé, mais pas uniquement.

«Les entreprises manufacturières, qui demeurent confrontées à la nécessité d'augmenter leur compétitivité, continuent d'accroître leurs investissements», y lit-on dans le plus récent bulletin L'économie métropolitaine.

Si on se fie à ce qu'on a entendu à la Chambre de commerce, les projets de gratte-ciel à vocation bureaux emboîteront le pas bientôt aux nombreux projets de tours résidentielles.