On ne sait pas encore à quoi ressemblera exactement la version finale de la loi sur l'aménagement durable du territoire et l'urbanisme (LADTU), mais si l'on se fie à l'avant-projet de loi et aux discussions qui ont eu lieu récemment en commission parlementaire, il y a des promoteurs immobiliers qui vont être contents!

Rappelons-le, cette loi doit remplacer celle sur l'aménagement et l'urbanisme, une loi cadre mais vieillotte, adoptée en 1979, qui établit la façon dont les villes doivent régir le développement de leur territoire.

«Il était temps que le gouvernement renouvelle la loi et la remette au goût du jour», dit l'avocat Mario Caron, associé au cabinet Norton Rose, à Montréal. Me Caron, qui représente des promoteurs, souligne que le développement immobilier s'est grandement intensifié depuis les années 1980; un nouveau cadre réglementaire pour le soutenir et le faciliter harmonieusement était rendu nécessaire.

Les objectifs de la révision de la loi actuelle sont nombreux, mais le coeur de la réforme tourne autour du processus d'adoption et de modification des règlements de zonage. Le zonage divise le territoire municipal en zones résidentielle, commerciale ou industrielle. Ainsi, on ne peut pas, par exemple, construire une usine ou ouvrir un commerce dans une zone classée résidentielle... à moins d'obtenir une dérogation, une exception en quelque sorte.

Le zonage et les exceptions

Or, c'est justement sur la façon de traiter ces exceptions que se penche la révision en cours. Actuellement, au Québec, lorsqu'un individu ou une entreprise s'oppose à un changement de zonage, un processus référendaire s'amorce;  les citoyens concernés et ceux des zones adjacentes peuvent alors voter pour ou contre.

C'est d'ailleurs ce qui s'est passé, dimanche dernier, lorsque les résidants de Carignan, en Montérégie, ont rejeté à 56 % le nouveau plan d'urbanisme de la ville lors d'un référendum. Une des questions concernait un projet de développement immobilier dans un secteur vierge - l'île au Foin - classé par Québec comme écosystème forestier exceptionnel, que certains résidents souhaitaient protéger.

Cette fois-ci,  les opposants ont gagné... démocratiquement. Mais ce fut long, inefficace et très coûteux. La bataille judiciaire entre la municipalité et le promoteur a duré des années et a déjà coûté 300 000 $ à la Ville.

Avec la nouvelle loi, on veut accélérer le processus d'exception en donnant plus de pouvoir aux élus locaux. De quelle façon? En soustrayant, dans certains secteurs territoriaux, le processus référendaire.  L'idée serait de permettre aux municipalités de créer des zones franches, à l'intérieur de leur territoire, où le processus référendaire ne s'appliquera pas. Les citoyens seraient tout de même consultés, par exemple lors d'assemblées où le promoteur aurait l'obligation de se présenter et de fournir de l'information sur son projet. Mais, en bout de ligne, les élus auraient le dernier mot.

Une telle réforme ouvre bien sûr la porte à de la discrimination, en convient Mario Caron. Ainsi, on ne sait pas encore de quelle manière les élus choisiraient les secteurs exclus du processus référendaire. Mais l'avocat rappelle que cette façon de faire - par référendum -  n'existe qu'au Québec; ailleurs en Amérique du Nord, les différends concernant le zonage se règlent par les tribunaux administratifs.

Selon Me Caron, ce nouveau système permettrait d'accélérer le processus, ce qui par ricochet favoriserait le développement immobilier. Plusieurs projets stagnent ou sont carrément mis de côté actuellement en raison de la lourdeur administrative.  

Mario Caron rappelle aussi que le système par référendum ne profite pas toujours à l'ensemble des citoyens; souvent, c'est un concurrent qui s'oppose au projet et qui le fait avorter, alors qu'il aurait été bénéfique à tous. Dans d'autres cas, la situation frise l'absurde. Il donne l'exemple d'un hôpital prêt à investir des millions de dollars pour reconstruire son unité d'urgence, mais qui doit patienter parce que quelques citoyens s'y opposent.

«Est-ce normal que quelques voisins de l'hôpital puissent empêcher un tel développement?» demande Me Caron.