Les pétrolières broient du noir. Elles n'aiment pas voir les groupes écologistes s'opposer aux projets d'oléoducs qui vont lui permettre, du moins le souhaitent-elles, de pomper de juteux profits avec le pétrole des sables bitumineux de l'Alberta.

«On attend des autorisations qui tardent à venir», s'impatiente Carol Montreuil, vice-président de l'Association canadienne des carburants (ACC).

Deux projets d'oléoducs font la manchette. Enbridge veut inverser le flux de son oléoduc 9-B pour faire couler le brut albertain jusqu'à Montréal - un investissement potentiel de 100 millions -, tandis que TransCanada Pipelines aimerait convertir son gazoduc et étendre son réseau à partir de Québec pour acheminer le pétrole de l'Ouest canadien jusqu'au Nouveau-Brunswick.

Carol Montreuil n'y voit là que des avantages pour les raffineurs. «Nous avons besoin du pétrole de l'Alberta pour améliorer nos rendements, étant donné qu'il se vend aussi peu que 70$ le baril, tandis que celui de la mer du Nord [le Brent] coûte plus de 100$ le baril», explique-t-il.

Le professeur Louis Hébert, de HEC Montréal, pose la question autrement: «Doit-on continuer à importer du pétrole alors qu'on peut en avoir à meilleur prix en Alberta, et peut-être bientôt à Gaspé et à Anticosti?»

Des raffineries «vulnérables»

Les pipelines et l'or noir de l'Alberta ne sont pas la seule préoccupation de l'industrie du raffinage, qui craint de voir sa rentabilité s'effriter davantage au cours des prochaines années dans un marché hautement compétitif.

«Nos coûts de production sont de plus en plus élevés, la concurrence provenant de l'Asie et de l'Inde, qui construisent des méga-raffineries, n'a jamais été aussi intense, et le débat environnemental sur la sécurité des pipelines nous empêche d'aller de l'avant», fait valoir Carol Montreuil.

Il cite une étude de la firme de consultants Baker&O'Brien, de Houston, qui révèle, entre autres, que cinq des neuf raffineries de l'Est canadien pourraient cesser leurs activités de raffinage, faute de rentabilité. «Certaines sont plus vulnérables que d'autres, et toute la réglementation pour produire des carburants plus verts et pour rendre nos installations moins polluantes exerce encore plus de pression», constate-t-il.

Tout récemment, Imperial Oil a mis en vente sa raffinerie de la Nouvelle-Écosse. Un scénario qui ressemble à celui qui a entraîné la fermeture de la raffinerie de Shell à Montréal-Est, en 2010. Au Québec, il ne reste plus que deux raffineries: Suncor, dans l'est de Montréal, et Ultramar, à Saint-Romuald, près de Québec.