Après les fraises d'hiver, voilà que les Québécois auront droit à un autre produit cultivé chez nous durant la saison froide : des framboises. Voici un tour d'horizon de la culture des petits fruits au Québec entre décembre et mai; et ses artisans nous parlent de la pérennité de cette initiative.

Après cinq ans de tests, Les productions horticoles Demers, connu pour ses tomates et ses poivrons en serre, cultive actuellement environ un demi-hectare de framboises dans ses installations de Saint-Nicolas.

La PME de Chaudière-Appalaches serait ainsi l'une des premières, sinon la première entreprise québécoise à cultiver des framboises à grande échelle sur le continent en plein hiver. La récolte des premiers petits fruits rouges est prévue à la fin mars, selon Jacques Demers, président de la PME.

« La Californie produit 10 mois par année. On ne peut arriver dans le marché n'importe comment. Il faut miser sur le goût et la fraîcheur. La tendance des consommateurs est de s'approvisionner localement. »

- Jacques Demers

À Danville, en Estrie, Savoura cultive l'équivalent de trois hectares de fraises. L'entreprise a une entente avec le producteur Joël Lalancette, lequel a fait sa renommée avec les fraises en serres de marque La Frissonnante. Près de 5000 kg de fraises y sont produits chaque semaine. Une goutte d'eau comparée aux centaines de milliers de tonnes de fraises et de framboises importées annuellement de la Californie, de la Floride et du Mexique.

La demande québécoise pour les fraises d'hiver produites ici est néanmoins très forte. Tellement que Stéphane Roy, président de Sagami, Savoura et Savoura Bio, songe à tripler sa superficie de production.

Bref, ce qu'on croyait invraisemblable il y a 20 ans, quand Jean-Denis Lampron a commencé à produire des fraises en serres dans ses installations de Rose Drummond, à Drummondville, semble vouloir enfin prendre son envol. Lentement, mais sûrement.

Un modèle viable ?

La filière des petits fruits cultivés en hiver n'a donc plus rien d'utopique, selon Julie Ouellet, experte dans le secteur des serres au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation (MAPAQ). « Avant de se joindre à Savoura, dit-elle, La Frissonnante avait quintuplé ses installations à Drummondville. La demande est donc là. Reste à voir à quelle vitesse ça va se développer. »

Selon elle, il y a fort à parier que le gouvernement québécois s'intéressera à la culture de fruits en serres dans le cadre de sa politique bio alimentaire, laquelle est actuellement en train d'être rédigée.

Produire en serres coûte encore relativement cher par rapport à la culture en champs. Certes, la plupart des complexes serricoles québécois ont délaissé le mazout pour se tourner vers la biomasse, le gaz naturel ou les biogaz pour se chauffer. Et Hydro-Québec offre depuis 2013 des tarifs avantageux pour l'éclairage. Il n'en demeure pas moins que « travailler avec du vivant » n'est pas une mince affaire, de surcroît quand le mercure affiche -10 ºC à l'extérieur et qu'il fait nuit à 16h30.

N'empêche, la culture des fruits en serres est désormais un phénomène mondial, souligne Stéphane Roy, de Savoura. « Je reviens d'Europe, dit-il, et la production de fraises, de framboises et même de bleuets est en explosion là-bas. »

Plus près de chez nous, en Ontario, deux importants producteurs serricoles viennent d'investir plusieurs millions afin de cultiver quelque 10 hectares de fraises en serres.

Désaisonnaliser la culture des petits fruits

Selon Simon Parent, propriétaire de Nova Fruit et gourou de la « désaisonnalisation » de la culture des petits fruits, la fraise du Québec, produite hors saison ou pas, est promue à un très bel avenir. 

« Les terres en Californie ne sont plus achetables et il y a là-bas un énorme problème de main-d'oeuvre. Le Québec doit se positionner. Dans un rayon de 1000 km autour de Montréal, il y a une population de 100 millions de personnes à desservir. »

- Simon Parent

Quant au prix de détail, il demeure encore un enjeu. À 5,99 $ pour un emballage contenant environ 10 fraises Savoura cultivées en serres - aussi belles et goûteuses soient-elles - , ce n'est pas à la portée de toutes les bourses. « Plus le volume de production sera grand, plus les prix vont baisser », soutient Julie Ouellet du MAPAQ.