Ciblé par plusieurs révélations journalistiques, puis par des enquêtes policières, le secteur du génie-conseil québécois vit des temps difficiles depuis quelques années. Consciente des problèmes soulevés et anticipant probablement l'arrivée d'une commission d'enquête sur le sujet, l'industrie a commencé à remettre certaines pratiques en question à l'aube de 2010.

Déjà, à cette époque, l'Association des ingénieurs-conseils du Québec (AICQ), qui représente 23 000 travailleurs issus des différentes sphères du génie-conseil, adoptait de nouvelles lignes directrices pour ses membres.

«On a regardé les standards internationaux qui avaient été développés par la Fédération internationale de génie-conseil et on a basé nos lignes directrices sur ses grands principes», explique Johanne Desrochers, présidente-directrice générale de l'AICQ.

Le groupe en a également profité pour amener les firmes qu'elle représente à se doter d'un code d'éthique. «La démarche rappelle un peu ce qui s'était fait lors de la création d'ISO [Organisation internationale de normalisation], rappelle la présidente de l'AICQ. Ce n'est pas parce qu'ISO est arrivée qu'on ne faisait pas déjà du travail de qualité. Elle est simplement venue mieux l'encadrer.»

Des firmes en action

En coulisse, les firmes de génie-conseil n'ont pas attendu la fin des travaux de la commission Charbonneau avant de passer à l'action.

C'est le cas du groupe nord-américain exp., dont le siège social est à Brampton, en Ontario. Bien qu'aucun de ses employés n'ait été montré du doigt dans le cadre de la Commission, l'entreprise a revu son code d'éthique, tout comme ses pratiques d'affaires.

«On s'est dit que s'il y en avait ailleurs, il y en avait sûrement chez nous aussi», indique Marc Tremblay, vice-président exécutif et directeur général du groupe d'exploitation du Québec d'exp., en faisant référence aux pratiques douteuses de certains travailleurs du milieu. «On a donc adopté un code d'éthique et on a demandé aux employés d'y adhérer.»

Une fois par année, les 3500 employés d'exp. suivent une formation obligatoire en éthique au terme de laquelle un examen les attend. Au menu, des mises en situation auxquelles les employés pourraient être confrontés.

«On croit que ça va marcher beaucoup par l'éducation et pas seulement par des mesures coercitives, dit-il. C'est facile de mettre à pied un employé, mais il faut avant tout prévenir les situations problématiques.»

En plus de ces mesures, le groupe a instauré un système téléphonique et électronique de dénonciation. Une pratique adoptée également par la firme de génie-conseil québécois, SNC-Lavalin, parmi d'autres mesures.

«En 2011, on avait déjà commencé à réviser notre code d'éthique, explique Leslie Quinton, porte-parole de SNC-Lavalin. Évidemment, avec les événements de l'année dernière, on a mis un accent prononcé sur toutes les mesures et les procédures que nous avons en place pour nous assurer qu'elles sont de la meilleure qualité possible.»

Conformité et éthique

Tout récemment, la société montréalaise a également ajouté un nouveau membre à son équipe de direction: Andreas Pohlmann. Nommé chef de la conformité, ce dernier aura pour mission, à compter du 1er mars, de superviser la création et la mise en oeuvre d'un système de conformité et de gouvernance dans l'entreprise. Une tâche qu'il a accomplie jadis lors de son passage chez Siemens.

«À la lumière des incidents, on a réalisé qu'on avait encore beaucoup de chemin à faire en matière de bonne gouvernance», souligne Leslie Quinton.

Du côté de Genivar, le constat est le même. Au nombre des mesures mises de l'avant par l'entreprise pour corriger ses pratiques d'affaires, elle comptera bientôt sur l'ajout d'un «chef de l'éthique» à son groupe. Ce dernier devrait être présenté aux investisseurs de l'entreprise d'ici la fin du premier trimestre de 2013.

Genivar a récemment mis à l'écart un de ses dirigeants le temps de mener une enquête interne. En janvier, devant la commission Charbonneau, un témoin a avancé que des firmes de génie-conseil, dont Genivar, ont participé à un système de partage des contrats à la Ville de Montréal entre 2004 et 2009. Les autres firmes citées sont: Génius, SNC-Lavalin, Dessau, Cima", Tecsult, SM, BPR, Roche, Leroux Beaudoin Hurens et associés et HBA Teknika. Ces allégations n'ont pas été prouvées en cour.