Mondragon, ça pourrait s'appeler le capitalisme coopératif à très vaste empreinte géographique. Ce qui a commencé au Pays basque en 1955 par la création d'une coopérative et le lancement d'une toute petite entreprise de produits électriques (frigos et climatiseurs) est devenu une multinationale gigantesque.

Présente dans trois continents, la coop basque a fait un chiffre d'affaires de 14,8 milliards d'euros en 2009!

Il y aurait donc un modèle coopératif multinational? «Il n'y a pas que les capitalistes purs et durs qui ont droit aux économies d'échelle, répond Michel Séguin, titulaire de la Chaire de coopération Guy-Bernier à l'UQAM. Que les coops soient touchées par la mondialisation, c'est vrai. Mais elles ne le sont ni plus ni moins que les autres formes d'entreprises. Et puis, la solidarité peut être efficace à grande échelle.»

Exporter les valeurs

Il s'agirait donc d'exporter les vertus coopératives, en quelque sorte? «En effet, répond M. Séguin. Mais il faut que les valeurs et méthodes coopératives ne soient pas oubliées en cours de route. Ce qui ne va pas de soi.»

Un exemple plus près de chez nous, le cas d'Agropur. Elle est la propriété de 3349 membres, producteurs de lait.

En 2011, la coopérative a fait un chiffre d'affaires de 3,6 milliards. Depuis quelques années elle s'est lancée dans une vaste opération d'expansion.

En 2008, elle acquiert coup sur coup Trega Foods au Wisconsin (fromages divers) et Schroeder au Minnesota (lait, fromages, jus).

En décembre 2010 c'est le tour de Main Street Ingredients, encore au Wisconsin (ingrédients fonctionnels divers).

Comment expliquer que l'on exporte les profits d'une coopérative à l'extérieur du pays, qu'on crée ou maintiennent des emplois non coopératifs ailleurs?

«Dès que vous atteignez une certaine taille, vous êtes dans la logique "acquérir ou être acquis", répond Michel Lafleur, directeur de l'Institut de recherche sur les coopératives et mutuelles de l'Université de Sherbrooke.

«De toute évidence, Mondragon est un coopérant en Espagne, mais pas systématiquement ailleurs où il agit parfois comme un simple capitaliste traditionnel. Et Agropur agit comme un holding ordinaire avec ses acquisitions américaines. De toute évidence, le modèle de la coop internationale reste à définir et c'est une des questions les plus urgentes et les plus brûlantes de ces dernières années.»

Elle fera l'objet d'une des plus importantes séances du Sommet international des Coopératives qui s'ouvre le 8 octobre prochain à Québec. McKinsey&Company déposera au Sommet trois études sur le mouvement coopératif et l'une traite, entre autres, de la perception de la mondialisation par le mouvement coopératif mondial. Il se trouve des coopératives qui redoutent la mondialisation et d'autres qui y voient une occasion à ne pas manquer.

Civiliser la mondialisation?

Peut-on civiliser la mondialisation, la rendre coopérative? Pierre Pagesse, président du Mouvement pour une organisation mondiale de l'agriculture, écrit: «Nous sommes tous pour le libre-échange. La question fondamentale est la suivante: Comment faut-il organiser le libre-échange pour le rendre équitable et durable?»

Pour ce Mouvement, la volatilité actuelle du cours des matières premières agricoles serait encore amplifiée par une libéralisation totale des échanges. Selon lui, «seuls les agriculteurs les plus riches des pays exportateurs y gagneraient.»

Que faire? Répondre à l'urgente et brûlante question que soulève Michel Lafleur, de l'Université de Sherbrooke: inventer le modèle coopératif international.