Consommez mieux l'électricité, nous demande Hydro-Québec.

Mais de son côté, la société d'État a-t-elle tenté d'améliorer son efficacité? Pour chaque mètre cube d'eau qui passe dans l'une de ses turbines, parvient-elle à apporter davantage de watts dans nos maisons ou nos commerces?

Par l'entremise de l'Institut de recherche d'Hydro-Québec (IREQ), la société cherche à trouver des moyens d'être plus efficace, comme tout manufacturier qui voudrait réduire les défauts de fabrication de sa chaîne de production.

Voici trois exemples de ses innovations pour la production, le transport et la distribution d'électricité.

Le robot et sa boîte à outils

Tout commence avec de l'eau qui chute par gravité, actionnant ainsi une turbine couplée à un alternateur. Les aubes de cette turbine peuvent se déformer et s'user, ou simplement montrer leur âge.

L'IREQ a conçu des outils de modélisation qui permettent de simuler un écoulement optimal de l'eau afin de maximiser la transformation de son énergie cinétique. On peut ainsi établir le profil idéal des aubes.

Pour réparer ou modifier les aubes sans démonter la turbine - ce qui permet de la mettre hors circuit moins longtemps -, les chercheurs de l'IREQ ont mis au point un petit robot automatisé, nommé SCOMPI. Il se déplace sur un rail installé sur l'aube et qui peut s'adapter à des courbes complexes. La petite taille de SCOMPI - 21 cm de longueur et 35 kg - lui permet de s'insérer entre des pales espacées de 24 cm seulement.

Ce petit manchot est muni d'un bras articulé selon cinq axes. «On a un coffre d'outils assez complet pour aller faire différents types d'interventions», explique Jean Lessard, directeur Innovation technologique à l'IREQ.

En fonction des instruments dont on l'équipe, SCOMPI peut souder, marteler, meuler, prendre des mesures au laser.

Ses gestes sont d'abord modélisés sur ordinateur. L'opération automatisée est ensuite mise en oeuvre, sous la supervision d'un soudeur qui suit la manoeuvre en temps réel.

Résultat, «on peut aller faire une légère modification au profil, qui va faire en sorte qu'il va générer un petit peu plus de puissance pour une même quantité d'eau turbinée», précise Jean Lessard.

Simulateur de transport

L'électricité parcourt ensuite de grandes distances pour être canalisée, à travers des subdivisions de plus en plus fines et complexes, vers les points de consommation.

«Chaque année, le réseau évolue, progresse et devient plus complexe», constate Jean Lessard.

Or, plus il est touffu, plus les pertes sont importantes.

«Les pertes totales dans le réseau sont de l'ordre de 8,4%, indique-t-il. Une part d'environ 5,5% est associée au transport, et il y a également une perte en distribution.»

Les trois quarts de ces pertes sont attribuables à la résistivité des fils de transport. Pour l'instant, il y a peu à faire contre la nature même du cuivre.

Mais il est possible de mieux utiliser le réseau.

Si un canal de transport travaille à plein rendement pendant qu'un autre est sous-utilisé, il y aura davantage de perte que s'ils se partagent la tâche plus équitablement.

L'atteinte de l'équilibre optimal en fonction de la demande est l'un des objectifs d'HYPERSIM, un simulateur numérique en temps réel pour les réseaux électriques mis au point à l'IREQ.

Par exemple, la météo prévoit une vague de froid au Saguenay pour le lendemain. «Si on a des outils qui nous permettent de faire beaucoup de simulations, on est capables de s'approcher du scénario d'exploitation optimal qui va réduire les pertes et maximiser le transit possible», explique Jean Lessard.

HYPERSIM peut également simuler le travail des principaux organes du réseau - systèmes de commande, de contrôle, etc. - pour atteindre les meilleurs paramètres d'exploitation.

La maintenance prédictive

Le précieux courant est ensuite amené jusqu'au consommateur par l'entremise du réseau rapproché, dit de distribution.

Dans cette fine toile, toute interruption en raison de bris de matériel ou d'incidents est une perte pour Hydro-Québec et une source d'ennui pour le consommateur.

L'IREQ a conçu et teste actuellement un système de maintenance intelligente des réseaux électriques, appelé MILE.

«MILE est à l'écoute du réseau, en temps réel, pour détecter les signaux précurseurs d'événements», précise Jean Lessard. «On cherche à intervenir avant la panne.»

Grâce aux technologies de télécommunications, des points de mesure sont répartis dans le réseau.

Le programme MILE surveille les variations de tension, qui se traduisent graphiquement à l'écran par des perturbations sur les ondes de tension.

Par exemple, une pièce d'équipement - un transformateur, un isolateur - fait défaut. Une branche entre en contact avec un fil. Par triangulation dans le réseau - un peu à la manière du système GPS -, le logiciel peut localiser la panne dans un rayon de quelques centaines de mètres. De plus, la déformation de l'onde est proportionnelle à l'arc électrique qui s'établit à l'endroit où survient un problème. Un long arc, de plus d'un mètre par exemple, sera souvent l'indice d'un problème avec la végétation.

L'équipe d'intervention peut alors être dépêchée à proximité de la perturbation, avec des indications sur sa nature. Les interventions sont plus rapides et plus précises, donc on observe moins de pertes.

Des fractions qui comptent

Ces efforts portent-ils leurs fruits? «Ça ne nécessite pas plus d'achats d'équipements ou de construction, mais ça permet d'aller chercher plus de rendement avec cet actif, explique Jean Lessard. Et là, les fractions de pourcentage, ça compte.»

L'amélioration du fini de surface ou du profil d'une roue de turbine, par exemple, pourrait apporter un gain de rendement de 0,5 à 1,5%. «C'est majeur», indique-t-il.

La capacité maximale du réseau est de l'ordre de 36 500 MW. Un transit d'énergie optimisé grâce à ces trois innovations pourrait y ajouter jusqu'à 1000 MW.

Ça équivaut à beaucoup, beaucoup d'ampoules incandescentes remplacées par des lampes fluocompactes.

Hydro-Québec a rédigé son 10e rapport sur le développement durable. Certains objectifs deviennent de plus en plus difficiles à atteindre.