Fondée à Québec dans les années 1980, EXFO est passée d'une PME québécoise à un joueur de classe mondiale. Cette entreprise spécialisée dans les instruments de mesure et de contrôle destinés au monde des télécommunications compte 1800 employés dans 25 pays et dessert près de 2000 clients dans une centaine de pays. Dans un secteur aussi concurrentiel, EXFO n'a d'autres choix que de carburer à l'innovation. Elle commercialise environ 30 nouveautés annuellement. Comment s'y prend-elle pour être aussi efficace dans la conception de produits? Nous avons posé la question à Stephen Bull, vice-président recherche et développement au siège social d'EXFO à Québec.

Q Comment gère-t-on l'innovation chez EXFO?

R Tout commence par un marché. Nous ne mettons pas au point des technologies, mais plutôt des produits qui utilisent des technologies. Ces produits doivent répondre à une demande. Et nous faisons en sorte que tout le monde dans l'entreprise comprenne que la conception de nouveaux produits n'est pas uniquement le travail de l'équipe de R-D; c'est l'affaire de tous les départements. Autant le marketing que les comptes clients et l'équipe d'assemblage. Tout le monde doit travailler ensemble et non en vase clos. Ça forme une sorte de matrice où les gens se parlent. L'innovation, c'est une série d'échanges et de compromis. Comme nous sommes devenus une grande entreprise, notre nouveau défi est de gérer à distance cette façon de faire. Sur nos 1800 employés, 850 travaillent en R-D, soit 44% de nos effectifs. Et la moitié de nos chercheurs sont dorénavant en Inde, où il y a une grande disponibilité de main-d'oeuvre.

Q Comment cela se traduit-il au quotidien?

R Pour chaque nouveau produit, la première étape consiste à filtrer les nombreuses idées que nous avons et qui demeurent en veilleuse. Ensuite, ça passe par ce que nous appelons un portfolio, lequel est composé d'un comité consultatif. Nous faisons des portfolios tous les quatre mois. À l'issue d'un portfolio, les idées retenues sont mises de l'avant en utilisant le processus du « Stage-Gate «. Dès qu'une idée est choisie, elle suit son cours jusqu'au bout. Pas question de revenir en arrière ou d'abandonner le projet en cours de route, cela ferait perdre de l'argent à l'entreprise. Nous investissons près de 20% (près de 60 millions) de nos revenus en R-D. Même le retour sur investissement est calculé pour chaque projet. On donne deux ans à un produit pour qu'il y ait retour sur investissement.

Q Des exemples de produits qui ont permis à EXFO de se démarquer?

R Nous sommes les premiers au monde pour les appareils de tests optiques. Et nous sommes les deuxièmes dans les analyseurs et les simulateurs de réseaux sans fil. Nous sommes également le deuxième fournisseur de solutions en ce qui a trait aux appareils de tests portatifs.

Nous offrons des solutions qui coûtent entre 800 et plusieurs centaines de milliers de dollars. Nous avons été les premiers à amener sur le marché des instruments de mesure de la dispersion modale. À une certaine époque, nous occupions 80% du marché mondial de la mesure des modulations.

TROIS CONSEILS AUX ENTREPRENEURS QUÉBÉCOIS

1- Peu importe le type d'innovation, il doit y avoir un client pour que ce soit un succès. De l'innovation pour de l'innovation, ça ne donne rien. Quelqu'un peut avoir le meilleur produit ou la meilleure technologie, si elle n'apporte pas une solution à un client, ça ne sert à rien.

2- L'innovation, ça se fait de façon systémique. Ce n'est pas quelque chose d'ad hoc. Ça doit comporter une façon de faire, un système. Tout ça doit être organisé, suivi.

3- Il faut se souvenir que la clé de l'innovation, ce sont les humains et non pas les robots. Dans les petites entreprises, on change les priorités trop souvent et on demande aux gens de tout effacer et de recommencer. Ça va à l'encontre de ce qu'est l'innovation. Il ne faut pas surcharger et disperser ses ressources.