Le Plan Nord s'articulera sur des kilomètres de terres habitées ou revendiqués par des peuples autochtones. Parmi eux, le projet ne fait pas l'unanimité. La Presse s'est entretenue avec le chef de l'Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador, Ghislain Picard.

Q Les communautés autochtones sont divisées au sujet du Plan Nord. Pourquoi? Quelles sont leurs craintes?

R Il y aura beaucoup de développement sur des terres pour lesquelles les titres autochtones n'ont jamais été cédés. Pour cette raison, en vertu de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones que le Canada a endossée, le gouvernement du Québec a l'obligation de nous consulter. En ce moment, on a l'impression qu'il dévie de cette obligation. Avant de poursuivre avec le projet, il faut des ententes avec tous les peuples, ce qui n'est pas le cas. Pour réaliser le projet de la Baie-James, le gouvernement de Robert Bourassa avait négocié avec les Cris, les Naskapis et les Inuits. La Convention de la Baie-James avait le mérite de reconnaître les droits des premiers occupants du territoire. Les Innus n'ont pas d'accord du même type. Pourquoi?

Q Québec a créé une table des partenaires autochtones pour élaborer le Plan Nord. Leur avis est-il suffisamment pris en compte?

R Non. Il devrait y avoir six peuples à la table de discussion. Il n'y en a que trois. Les Cris, les Naskapis et les Inuits, qui ont déjà signé des accords territoriaux avec le gouvernement. Les Innus sont divisés. Seulement quelques-unes de leurs neuf communautés participent aux discussions. Les Algonquins et les Attikameks, qui vivent au sud du 49e parallèle, mais qui revendiquent des terres au nord, n'ont même pas été invités à la table. C'est une philosophie du deux poids deux mesures.

Q La participation des Premières Nations au développement du Nord telle qu'elle est proposée par Québec, avec des emplois réservés et des mesures de protection de la culture et de l'identité autochtone, est-elle assez grande?

R Les communautés pourraient exiger beaucoup plus. Et pas seulement des compensations financières pour leurs terres. C'est une occasion idéale de mettre à profit notre boom démographique. Dans certaines communautés, plus de la moitié des gens ont moins de 25 ans. Ils veulent des emplois et de la formation. Les conditions de vie des Premières Nations sont difficiles et les écarts socio-économiques avec les Québécois sont injustes. Les jeunes veulent travailler. Il faut répondre à leurs besoins.

Q Comment les entreprises et le gouvernement peuvent-ils tirer profit de l'expertise des autochtones dans le cadre du Plan Nord?

R Nos peuples, surtout ceux qui son historiquement nomades comme les Cris ou les Inuits, ont une connaissance intrinsèque du territoire qui sera exploité. Ils peuvent la partager. L'utiliser. Sans compter qu'ils ont beaucoup de main-d'oeuvre disponible qui n'attend que de travailler.

Q Le gouvernement s'est engagé à protéger 50% de la superficie du territoire du Plan Nord. Pensez-vous que le déploiement du projet respectera les terres ancestrales et leur pérennité?

R C'est difficile à dire. Des projets de développement menés dans le passé ont laissé un goût amer. La fin de l'exploitation minière à Schefferville, par exemple, a forcé la fermeture de la ville du jour au lendemain. Tout ce qui est resté, ce sont des trous béants dans la terre. Le souvenir de ces ravages est encore frais pour les autochtones de la région.

LES AUTOCHTONES AU NOR DU 49e PARALLÈLE

- 33 000 autochtones, dont 10 000 Inuits. Ils représentent 27,1% de la population totale.

- Plus de la moitié ont moins de 25 ans.

- Quatre nations, les Inuits, les Innus, les Cris et les Naskapis, vivent dans 33 villages et réserves.

- Deux nations, les Algonquins et les Attikameks, y réclament des terres.

- 70% des Naskapis, 81% des Inuits et 92% des Cris n'ont pas de diplôme.

Sources: gouvernement du Québec/Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador