Qu'ont en commun Jeff Bezos, Andrew Mason et Marc Benioff? Leurs entreprises, Amazon, Groupon et Salesforce, n'ont plus besoin de présentation. Ils appartiennent à cette nouvelle vague d'entrepreneurs qui doit leur immense succès à l'infonuagique, pionniers de ce que d'aucuns appellent déjà le deuxième âge d'or du réseau internet.

Il y a cinq ans à peine, seul un de ces sites était connu du grand public. En fait, la plupart n'existaient tout simplement pas. Groupon, par exemple, n'a été fondé qu'en 2008. Officiellement mis en service en 1995, Amazon est l'aïeul du groupe. Son site d'achat en ligne est un des rares à avoir survécu à la fin du premier âge d'or du réseau internet, au début des années 2000.

En introduisant des services d'hébergement sur mesure en 2006, le plus important détaillant en ligne du continent ne se doutait peut-être pas du virage important qu'il entamait. Ses Web Services offrent aux entreprises de toute taille les serveurs informatiques dont ils ont besoin, ainsi que les outils de gestion afférents, en échange d'une mensualité toute simple.

Une petite révolution annoncée dans un secteur où l'infrastructure compte pour la plus importante dépense, notait la semaine dernière la firme américaine Trefis, spécialisée dans l'analyse des tendances des secteurs technologique et financier. Promettant des économies substantielles aux entreprises, les services web d'Amazon devraient générer des revenus de 1,37 milliard de dollars en 2011. Ces revenus atteindront 6 milliards dans cinq ans, estime Trefis.

Ses analystes ajoutent: «Ces services ne représentent peut-être que 2,5% de la valeur d'Amazon, mais ils pourraient transformer tout le paysage technologique. Les revenus provenant de cette activité sont en croissance constante, à un rythme qui devrait s'accélérer maintenant que la demande pour l'impartition vers des services web semble devenir la norme.»

Groupon: accélérateur de croissance

Cette croissance n'échappe pas à d'autres géants de la première heure du réseau internet. Outre Amazon, Google et Microsoft, entre autres, offrent désormais leurs propres services web sur mesure. D'autres entreprises plus modestes, comme Salesforce, ont aussi profité de ce phénomène qu'on connaît aujourd'hui sous le nom d'infonuagique.

Plus que les revenus potentiels, ce sont les nouvelles technologies découlant du phénomène infonuagique qui attirent les gros noms dans ce créneau. Le plus spectaculaire est sans conteste le site d'achat groupé Groupon. Son site offre chaque jour des aubaines à 35 millions d'internautes, dans environ 250 marchés.

En deux ans et demi à peine, Groupon est devenu le joyau d'une nouvelle génération d'entreprises dont la croissance exponentielle a de quoi faire rêver tout entrepreneur. Même si ses rivaux se comptent désormais par centaines, Groupon a généré son premier milliard de dollars de revenus en un peu plus de deux ans, soit plus rapidement que toute autre entreprise connue à ce jour, firmes d'investissement mises à part.

Pour héberger ses services, l'entreprise de Chicago recourt aux serveurs sur demande d'Amazon et aux outils de gestion de Salesforce. Ses représentants peuvent accéder aux données de l'entreprise en tout temps, à partir de leur portable. L'avantage de la formule technologique derrière ce phénomène est avant tout de nature pécuniaire. Son fondateur, Andrew Mason, n'a pas eu à allonger les centaines de millions de dollars nécessaires à une telle croissance, l'infrastructure évoluant au rythme de son entreprise.

La direction de l'entreprise s'en félicite régulièrement depuis. Ryan Miller, le directeur des opérations, explique: «La décision s'est faite alors que Groupon n'opérait qu'à Chicago, mais c'était le bon geste: celas a permis à l'entreprise de rapidement prendre de l'expansion et de s'ajuster instantanément, ce qui aurait été impossible si Groupon avait décidé de bâtir sa propre infrastructure.»

Salesforce: un poids en moins

Des témoignages comme celui de ce dirigeant de Groupon aident les fournisseurs de services infonuagiques à vendre leurs produits. Cela a certainement contribué à l'émergence d'une industrie qui, si elle existe dans les faits depuis le moment où le réseau internet a vu le jour, est considérée comme nouvelle par la plupart des analystes.

C'est ce qui permet aussi de parler de l'infonuagique comme d'un phénomène à forte croissance. Selon une étude publiée il y a deux semaines par l'agence spécialisée iStock Analyst, les revenus générés par l'ensemble des services visant à remplacer les logiciels d'entreprise par des services web équivalents, tripleront d'ici 2014, pour donner à l'industrie de l'infonuagique une valeur de 140 milliards de dollars.

iStock conclut que cette croissance profitera aux entreprises qui ont rapidement pris place dans ce créneau: Amazon, Google et Microsoft en tête. Le mérite en revient toutefois à d'autres, qui ont amorcé le mouvement vers les logiciels web alors que ce concept n'était pas encore considéré comme un marché potentiel. La firme d'analyse cite Salesforce.com, une société fondée dans un appartement de San Francisco en 1999, et dont le slogan était déjà, à l'époque, «la fin des logiciels».

Aujourd'hui cotée à la Bourse de New York, Salesforce a une valeur de plus de 17 milliards de dollars, grâce essentiellement à son principal produit: un service web de gestion des relations avec la clientèle qui est rapidement devenu la norme en la matière, grâce à sa compatibilité avec d'autres services et applications créés par des tiers, pouvant utiliser les données provenant de Salesforce pour créer de nouveaux outils d'affaires, qu'il s'agisse d'outils de gestion, d'outils de veille ou autres.

Autre détail apprécié des 92 000 clients de Salesforce: la mise à jour continuelle du service, entièrement transparente. «Nous ajoutons de nouvelles fonctions majeures tous les quatre mois, mais les utilisateurs n'ont qu'à cocher une boîte et leur logiciel est à jour», résume Steve Fisher, vice-président responsable de la technologie pour Salesforce. «La mise à niveau automatique est un ingrédient-clé» dans le succès des services infonuagiques, ajoute M. Fisher.

Les entreprises adorent. C'est simple, «elles n'ont plus à gérer le coût des mises à niveau et d'entretien». C'est une transformation complète de la façon d'utiliser les TI. Ça attire tout le monde: des actuels éditeurs de logiciels qui désirent se convertir à la nouvelle tendance, aux entreprises soucieuses de réduire leurs dépenses en quincaillerie informatique. Ce n'est pas pour rien qu'on décrit cette période comme l'actuel âge d'or de l'internet.