Chaque semaine, nous vous proposons un extrait d'un «cas pédagogique» du Centre de cas de HEC Montréal: la description en contexte d'une situation réelle d'entreprise qui suscite des interrogations et une réflexion sur certains aspects de la gestion.

Jean Demers (nom fictif) est directeur du service Design de l'organisation au sein d'une grande entreprise manufacturière. Il vit actuellement une situation difficile relativement à la gestion de son unité administrative. Les analystes qui travaillent sous sa responsabilité directe lui reprochent son manque de disponibilité. Selon eux, la bonne marche du service et donc la qualité du travail destiné aux autres services de l'entreprise s'en ressentent.

Les 16 analystes du service Design de l'organisation ont pour mission d'aider et de conseiller l'ensemble des gestionnaires de l'entreprise dans l'élaboration ou la révision des structures administratives et la description des postes de travail qui en découlent. Règle générale, chacun des analystes est responsable de ses propres projets, les plus complexes étant confiés aux analystes les plus expérimentés.

Accaparé

Jean Demers se dit très accaparé et même un peu débordé par l'ensemble des questions administratives et professionnelles qui requièrent son attention. Il estime ne plus avoir tout à fait le temps qu'il souhaiterait pour assurer la formation continue des analystes, activité qu'il juge très importante, compte tenu des exigences élevées qu'il entretient sur le plan professionnel.

Même les analystes plus expérimentés, qui sont autonomes et qui assument la responsabilité des projets plus complexes, aiment pouvoir compter sur l'avis de Jean Demers dans certains dossiers plus épineux; ils cherchent à tirer profit de sa longue expérience dans le domaine. Ils le décrivent comme une personne qui possède une très fine connaissance de l'organisation et de ses membres de même qu'un excellent jugement sur le plan professionnel. Pour M. Demers: «Il y a des limites à ce que je peux déléguer et aux responsabilités que mes analystes peuvent assumer, même les plus expérimentés. Ils sont d'accord avec ça d'ailleurs. À la suite de l'augmentation importante de mes effectifs, je considère avoir considérablement modifié mon comportement. J'ai appris à faire davantage confiance aux gens et à me dégager de certaines tâches.»

Réorganisation

Jean Demers envisage donc une réorganisation en profondeur de son service. Voici le diagnostic et les solutions qu'il envisage:

«Je consacre environ 10% de mon temps à des contacts avec des clients pour amorcer des projets, 20% aux dossiers administratifs, environ 40% à une forme d'expertise sur le contenu des dossiers auxquels les analystes souhaitent que je participe et 20% à la coordination des analystes entre eux et surtout avec les clients. Pour ce qui est du reste, la moitié va au comité de la société sur les politiques en matière de gestion des ressources humaines et l'autre moitié à des tâches diverses. Je songe d'ailleurs à quitter le comité faute de temps.

«Actuellement, dans mes dossiers importants, il y a le projet de déménagement prochain du service, la révision du document qui présente le service et explique notre rôle dans l'entreprise, l'acquisition de matériel informatique, le recrutement d'analystes en prévision de deux prochains départs et la visite de deux grandes entreprises américaines qui sont à l'avant-garde dans notre champ d'activités.

«Pour résoudre mon problème de surcharge, j'ai pensé à cinq solutions possibles. Premièrement, il y a la possibilité de désigner, dans le service, un directeur adjoint. L'ensemble des analystes se rapporterait, en principe, directement à cette personne. Il faudrait que lui et moi, on se partage le travail de direction du service.

Scinder les services

«Deuxièmement, je pourrais recommander de scinder le service en deux services distincts. Je pourrais regrouper les activités du service et me servir de ça comme base pour justifier la division. La direction du nouveau service pourrait probablement être assumée par l'un des analystes plus expérimentés, un de ceux qui jouissent d'une bonne crédibilité auprès de la direction de l'entreprise et de ses collègues de travail. Une telle solution me laisserait un groupe d'une dizaine de personnes, ce qui était la taille du service il y a quelques années.

«Troisièmement, je pourrais créer deux sections dans mon service. Le partage des effectifs entre les deux sections se ferait selon la même logique que dans le cas de la création de deux services distincts. Quelques analystes d'expérience pourraient être candidats pour les postes de chefs de section.

«Quatrièmement, je pourrais désigner un analyste comme personne-ressource à ses collègues, sans pour autant qu'il soit en position de responsabilité ou d'autorité dans le service. Cette personne pourrait me soulager de certaines tâches afin que je puisse me rendre davantage disponible pour les analystes relativement aux projets qui requièrent mon attention personnelle.

«Finalement, je pourrais créer un poste d'adjoint à l'administration. Cette solution est bien différente de la précédente, car le rôle de cette personne consisterait à prendre en charge certains dossiers administratifs et non pas les dossiers professionnels. J'aurais alors plus de temps à consacrer aux dossiers professionnels auxquels les analystes tiennent à ce que je participe personnellement.»

M. Demers a récemment discuté avec son supérieur immédiat de ces projets de réorganisation et ce dernier a convenu de l'appuyer dans ses démarches si cela s'avérait nécessaire.

Guy Archambault (guy.archambault@hec.ca) est professeur honoraire en management à HEC Montréal. Vous trouverez la version intégrale du cas «Le dilemme du directeur Demers» à l'adresse https://www2.hec.ca/centredecas du Centre de cas HEC Montréal.

QUELQUES INTERROGATIONS



- Pourquoi le directeur Demers est-il débordé?

- Parmi les différentes options de réorganisation envisagées, quelle est celle qui semble la plus appropriée pour Jean Demers et son service?

- S'il change la structure de son service pour se libérer du temps, M. Demers deviendra-t-il davantage gestionnaire ou bien consolidera-t-il son rôle d'analyste?

... ET QUELQUES ÉLÉMENTS DE RÉPONSE

- Comme bien des professionnels devenus gestionnaires, M. Demers semble «déchiré» entre son expertise technique, qu'il veut continuer de mobiliser, et ses tâches de gestionnaire, qu'il a tendance à voir comme des «dossiers administratifs» pesants... Jean Demers a-t-il vraiment le goût d'être gestionnaire?

- Bien déléguer reste une des activités les plus complexes pour un gestionnaire: pourquoi les analystes, même les plus expérimentés, ont-il encore besoin de M. Demers pour traiter les dossiers?

- Il n'est pas du tout sûr qu'un changement de structure soit la solution au problème de «surcharge» de M. Demers...