Le parcours d'un entrepreneur est rarement exempt d'échecs, et celui d'Eric Ries n'y fait pas exception. Pour ce jeune Californien, les insuccès auront toutefois été le catalyseur d'une nouvelle façon de concevoir le démarrage d'une entreprise. Une vision qu'il décortique dans son essai The Lean Startup.

Eric Ries est dans la jeune vingtaine lorsqu'il suspend ses études en génie informatique à l'Université Yale pour lancer sa première entreprise, Catalyst Recruiting. Son idée? Offrir une plateforme qui permet aux jeunes de créer leur profil en ligne pour le partager... avec des employeurs.

«Oups», se dit-il avec le recul. Même si son entreprise avait avant l'heure tout d'un Facebook ou d'un LinkedIn, elle ne réussit pas à trouver sa niche et finit par manquer de fonds. L'éclatement de la bulle techno en 2000 vient fermer le cercueil du projet et force le jeune entrepreneur à retourner sur les bancs d'école.

Fraîchement diplômé, Eric Ries déménage ensuite dans la Silicon Valley. La jeune entreprise qu'il joint compte sur des millions de dollars et lance après cinq ans de travail un produit en apparence fantastique, mais qui déçoit la clientèle cible. La boîte cessera ses activités l'année suivante.

«C'est seulement à ce moment que j'ai réalisé qu'il y avait quelque chose qui clochait dans la manière dont on bâtit de nouvelles entreprises. Ce n'est pas une question d'expérience ou d'argent: les mêmes erreurs sont répétées trop de fois, explique-t-il. La plupart des boîtes en démarrage dans le secteur des technologies échouent non pas parce que ce qu'elles proposent ne fonctionne pas, mais plutôt parce qu'elles ne répondent pas aux besoins du marché.»

Son nouveau projet lui permettra d'expérimenter une nouvelle approche. En compagnie de collègues de travail, il lance en 2004 IMVU.com, un site qui propose à l'internaute de créer un avatar qu'il pourra diriger dans un monde virtuel. Mais cette fois-ci, les programmeurs s'imposent une condition: le site web devra être offert au public en moins de six mois.

«J'étais terrorisé, souligne Eric Ries. On lançait un produit incomplet et qui était rempli de bogues. Comme j'étais responsable de la programmation, je croyais que les gens du milieu allaient se faire une mauvaise idée de moi».

La stratégie s'avère pourtant rentable en temps et en argent. Elle permet à l'entreprise de dénicher rapidement une poignée d'utilisateurs qui deviennent ses «testeurs bêta». Par leur rétroaction, la plateforme d'IMVU est devenue fonctionnelle plus rapidement et s'est enrichie des idées de ses utilisateurs.

Soixante millions d'avatars plus tard, Eric Ries se base notamment sur cette expérience pour mettre de l'avant les idées qu'il a d'abord proposées sur un blogue, puis dans son essai The Lean Startup.

La science au service de la gestion

«Construire, mesurer, puis apprendre.» C'est le leitmotiv que met de l'avant Eric Ries dans son essai. Cette idée toute simple, tirée de la méthode scientifique, navigue pourtant à contre-courant de celles enseignées dans les manuels de gestion.

«Lorsque j'étais dans les affaires, je me suis aperçu que la plupart des livres de gestion que j'avais lus m'étaient inutiles, explique-t-il. Non pas qu'ils n'étaient pas bons, mais ils ne parlaient pas aux gestionnaires d'entreprises en démarrage qui partagent tous une seule et même condition: soit une grande incertitude face à ce qu'ils mettent de l'avant.»

Pour contourner le problème, il suggère aux entrepreneurs de mettre au point le plus tôt possible une première version de ce qu'ils souhaitent offrir. Une façon non seulement de créer avec le temps un produit adapté aux besoins du client, mais aussi de bâtir une clientèle.

«La stratégie permet de transformer des hypothèses en faits concrets afin de comprendre ce qu'est vraiment la réalité. L'objectif n'est pas de concevoir dès le départ un produit parfait, mais de procéder à une expérimentation le plus vite possible», indique-t-il.

Les idées qui ont fait les succès d'Eric Ries l'amènent aujourd'hui à conseiller plus d'une dizaine d'entreprises en développement aux États-Unis. Il occupe aussi une partie de son temps au Harvard Business School, où on en a fait un «entrepreneur en résidence». En plus de participer à des activités de mentorat, Eric Ries permet à la prestigieuse université de renouveler le programme de cours qu'offre son école de gestion.