« On n’est plus du tout dans un dialogue de sourds », s’est réjouie lundi soir Julie Bouchard, présidente du plus grand syndicat d’infirmières de la province, qualifiant le ton des négociations en cours avec le gouvernement de « respectueux ». Une entente de principe semble toutefois hors de portée en raison de blocages sur des enjeux majeurs.

« À la table de négociation, le ton est très bon, respectueux, plus du tout hostile », a décrit Julie Bouchard lors d’un Facebook Live s’adressant aux 80 000 membres de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ), lundi soir. Ce syndicat représente 90 % des infirmières et infirmières auxiliaires de la province, de même que des inhalothérapeutes et perfusionnistes cliniques.

La FIQ est l’une des trois organisations syndicales représentant des employés de l’État qui n’ont toujours pas conclu d’entente de principe pour le renouvellement de leur convention collective, avec celles des fonctionnaires et des professionnels. Elle est en négociation avec Québec depuis plus d’un an.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Julie Bouchard, présidente de la FIQ

On voit maintenant une certaine ouverture à nos demandes et à nos solutions.

Julie Bouchard, présidente de la FIQ

Toutefois, a-t-elle précisé, plusieurs enjeux majeurs empêchent toujours l’atteinte d’une entente de principe.

Le déplacement obligatoire

La demande de la partie patronale de pouvoir obliger une professionnelle en soins à travailler dans un autre service bloque toujours à la table de négociation. « C’est comme prendre une infirmière ou une infirmière auxiliaire, qui travaille par exemple sur une unité de médecine, et de l’envoyer en CHSLD sans expertise, sans formation et sans avoir l’expérience », a cité en exemple Mme Bouchard.

« Dans l’espace public, chaque fois, [la partie patronale] dit que le déplacement va être volontaire, mais en réalité, à la table de négociation, l’intention, c’est de pouvoir déplacer quelqu’un quand on a un besoin, que la personne soit volontaire ou pas », a renchéri Marc-André Courchesne, porte-parole de la négociation.

Le déplacement volontaire d’employées est d’ailleurs déjà permis dans les conventions collectives, a-t-il assuré.

Nos membres nous ont dit que ce n’était pas possible de signer un tel chèque en blanc au gouvernement. C’est la question de la sécurité et de la qualité des soins qu’on donne à la population qui est en jeu.

Marc-André Courchesne, porte-parole de la négociation

Légère avancée : des explications détaillées des rôles et expertises des différentes professionnelles en soins à la table de négociation auraient amélioré les échanges sur le sujet, selon M. Courchesne.

Les ratios professionnelles/patients

Deuxième point d’achoppement : l’instauration d’un ratio entre les professionnelles en soins et les patients. Une telle mesure obtient encore une fin de non-recevoir de la part du gouvernement, affirme Mme Bouchard.

Pour la FIQ, toutefois, il s’agit de l’une des solutions pour améliorer à la fois les conditions de travail, la rétention des employées du système de santé et la qualité des soins.

De tels ratios sont déjà en place en Australie et en Californie. Au Canada, la Colombie-Britannique est devenue, le printemps dernier, la première province à adopter cette mesure. Le ministre britanno-colombien de la Santé, Adrian Dix, avait à ce moment qualifié la mesure de « principale pratique internationale » pour retenir les infirmières et fournir des soins de santé de qualité.

De tels ratios permettent, selon Mme Bouchard, d’éviter des « dizaines de milliers de jours d’hospitalisation à la population, d’économiser des centaines de millions de dollars en faisant diminuer le taux d’absentéisme, d’augmenter la présence au travail, de recréer ce sentiment d’appartenance là […] et de stabiliser les équipes de soins ».

Une implantation graduelle

La pénurie de main-d’œuvre est la principale raison invoquée par Québec pour éviter d’instaurer de tels ratios, a expliqué Marc-André Courchesne.

Mais il faut commencer quelque part. En Californie et en Australie, eux aussi manquaient de professionnels de soins. Et quand ça a été implanté, ça a eu un impact immédiat.

Julie Bouchard, présidente de la FIQ

De plus, l’adoption de ces ratios n’implique pas de les instaurer d’un seul coup, ajoute M. Courchesne. « On le sait bien, on n’est pas fous, que le jour où on va négocier ça, ça va prendre un certain temps, a-t-il détaillé. C’est une question d’instauration graduelle, pour encourager les gens à revenir dans la profession, ou à choisir la profession, pour que dans quelques années on puisse instaurer plus largement les ratios. »

L’écoute serait plus grande à la table de négociation, selon lui, depuis que ces points ont été soulevés.

Temps supplémentaire obligatoire

La définition et la rémunération du temps supplémentaire, de même que les salaires, font aussi partie des sujets toujours en discussion entre la FIQ et Québec.

Dans tous les cas, la présence d’un conciliateur, nommé à la demande de la FIQ en décembre dernier, facilite les négociations. « Ça n’a pas permis de débloquer au point d’avoir une entente de principe, mais ça permet d’avancer les discussions et de montrer des angles et avenues qu’on n’avait pas nécessairement vus », souligne M. Courchesne.

Aucune nouvelle journée de grève n’est prévue par le syndicat pour le moment, a aussi affirmé Mme Bouchard.

Avec La Presse Canadienne