En plus de hausser le salaire des enseignantes, Québec leur enverra du renfort. Selon mes informations, Québec offrira une permanence à environ 5410 enseignants qui travaillaient à forfait. Des techniciennes en éducation spécialisée (TES) se feront offrir plus d’heures, parfois jusqu’à temps plein.

À cela s’ajoutent les 4000 aides à la classe au primaire. Ce sont essentiellement des éducatrices en service de garde qui travaillent à temps partiel et à qui on offrira, sur une base volontaire, de compléter leur journée en épaulant les enseignants dans les classes difficiles. Le chiffre est plus important qu’il n’y paraît. Selon le jargon, il s’agit « d’équivalents à temps plein ». Québec espère en attirer 15 000. Ce sont donc 15 000 classes qui bénéficieraient de ce soutien.

Ces gains ne suffiront pas à combler la pénurie d’enseignants. Mais on espère qu’ils mettront fin au cercle vicieux menant à leurs départs, afin de reconstruire le réseau. Et ils figurent autant dans l’entente de principe avec la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) que dans celle conclue avec la Fédération des syndicats de l’enseignement affiliée à la CSQ (FSE-CSQ), pour lesquelles leurs membres voteront dans les prochaines semaines.

Alors que la poussière retombe, on comprend mieux ce qui distingue les ententes de la FAE et de la FSE. La réponse courte : pas grand-chose. Ce qui soulève la question : quelle fut l’utilité de la grève générale illimitée de la FAE, et qui en a profité ?

Au secondaire, les syndicats ont le même mécanisme pour les classes en difficulté – quand 50 % des élèves ont un plan d’intervention ou sont en francisation. Une fois ce seuil atteint, un protocole s’enclenche.

En priorité, des heures additionnelles de travail sont offertes aux TES.

SI ça ne marche pas, on propose des services dits « additionnels » ou « complémentaires », comme ceux d’orthopédagogues et de psychoéducateurs.

Aucune compensation financière n’est versée.

La différence entre la FAE et la FSE réside au primaire.

Voici le mécanisme négocié par la FAE.

Le protocole s’enclenche quand plus de 60 % des élèves ont un plan d’intervention ou sont en francisation.

On cherche alors en priorité à créer une nouvelle classe, à condition d’avoir un local et un enseignant légalement qualifié.

Si c’est impossible, on offre une aide à la classe ou des services complémentaires, en plus d’une compensation de 4000 dollars.

Et si ces renforts sont introuvables, l’enseignant reçoit 8000 dollars.

LA FSE-CSQ a la même entente, sans ces compensations financières. Sa précédente convention contenait déjà une mécanique pour de telles situations. C’était l’annexe 49, qui n’inclut pas d’argent. La FSE-CSQ a conservé cette logique.

L’effet sur les conditions de travail pourrait toutefois être moins grand qu’on ne le prétend. Après tout, les deux syndicats priorisent l’ajout de services. Si ce personnel est disponible, il sera acheminé dans les classes plus difficiles, qu’elles relèvent de la FSE-CSQ ou de la FAE.

Dans ce cas, la seule différence serait le dédommagement de 4000 dollars pour les membres de la FAE.

Pourquoi ? Voici deux hypothèses.

La première : CSQ représente des techniciennes en éducation spécialisée. Elle voulait que l’argent aille aussi à elles. Tandis que la FAE, qui n’en représente pas, préférait le garder pour ses membres.

La deuxième : la FAE était méfiante à l’endroit du gouvernement, et la compensation était pour elle une garantie que toute l’enveloppe serait dépensée. La FSE-CSQ avait confiance dans ses ententes négociées localement pour utiliser l’entièreté des budgets.

Autre légère distinction : la FSE-CSQ a obtenu un petit peu plus d’autonomie. Ses membres pourront choisir comment organiser le cinquième de leurs « autres tâches professionnelles ».

Mais autant la FSE que la FAE pourront désormais travailler à partir de la maison pour cinq journées pédagogiques.

Pourquoi ces dissemblances ?

Pour le volet salarial, il y a des clauses remorques⁠1. Ce n’est pas le cas pour le volet sectoriel – les conditions de travail – où les gains ne sont pas transférables.

Québec négociait en parallèle avec chaque syndicat. La FSE ignorait ce que la FAE était en train d’obtenir, et vice-versa. Et comme d’habitude, ces pourparlers s’inscrivaient dans une joute complexe.

Au début, on croyait que Québec répéterait sa stratégie de 2021 en s’entendant d’abord avec la FAE. Il était plus facile de négocier avec ces 66 500 employées qu’avec les 420 000 membres du front commun. Le but : régler avec le plus petit pour mettre de la pression ensuite sur le plus gros.

Or, il semble y avoir eu un blocage avec la FAE. Elle exigeait de créer de nouvelles classes. Cela requérait des enseignantes qui n’existaient tout simplement pas.

Mais en parallèle, la FAE mettait énormément de pression sur le gouvernement caquiste impopulaire avec sa grève générale illimitée. La FSE-CSQ y a vu une occasion. Elle s’est substituée comme nouveau partenaire pour encaisser les gains offerts et en arracher d’autres. Le tout alors que publiquement, elle semblait en colère, afin d’inciter les autres à rester mobilisés dans la rue.

La FSE-CSQ a ainsi profité des sacrifices que se sont imposés les membres de la FAE quand leur faction la plus militante a décidé dès le mois de mai, dans une assemblée de leur chapitre montréalais avec 600 délégués, de se lancer dans l’engrenage de la grève générale illimitée.

Sans cette méthode forte, Québec aurait-il autant cédé ? On peut croire que non. Mais on ne saura jamais avec certitude quel fut exactement l’impact.

Avec le maraudage syndical à venir, ces questions seront relancées. Surtout chez les syndiquées de la FAE, qui se demanderont si les 22 journées passées dans la rue sans salaire en valaient la peine.

1. Lisez le résumé des ententes salariales