Grâce au printemps hâtif que le Québec a connu, il est possible de cueillir des fraises en plein champ en ce début du mois de juin. Chez FraiseBec de Sainte-Anne-des-Plaines, l'autocueillette a en effet commencé vendredi dernier.

«Les gens sont surpris: les fraises sont bonnes et belles», a dit à La Presse Isabelle Charbonneau, copropriétaire de FraiseBec. Avec plus de trois millions de plants, FraiseBec est le plus grand producteur de ces fruits rouges au Canada.

À Laval, des fraises ont été récoltées à la ferme D. et M. Sauriol dès le 18 mai. «C'est très rare que ce soit aussi tôt», a indiqué Michel Sauriol, président de l'Association des producteurs de fraises et framboises du Québec. Le beau temps prévu au cours des prochains jours «sera merveilleux pour la récolte», a-t-il prédit.

Les plants qui donnent déjà leurs fruits ont eu un coup de pouce pour passer l'hiver: ils ont été recouverts d'une bâche leur permettant de se réchauffer plus vite. «Cette bâche ressemble à une feuille d'assouplissant Bounce, mais elle n'est pas parfumée», a expliqué M. Sauriol.

En plus des marchés publics et des fruiteries, quelques supermarchés offrent déjà des fraises d'ici. En saison, la grande distribution québécoise écoule plus de 50% des fraises locales.

Qui cueillera les fraises l'an prochain?

Malgré ces bonnes nouvelles, les producteurs s'en font pour la récolte de... l'an prochain. La réforme de l'assurance-emploi prévoit donner la priorité aux chômeurs locaux plutôt qu'aux travailleurs étrangers temporaires. Or, plus de 7500 de ces employés étrangers ont travaillé dans les fermes du Québec en 2011.

«Honnêtement, nous sommes inquiets», a dit M. Sauriol. Il faut compter deux mois pour faire venir un travailleur du Mexique ou du Guatemala. «On ne peut attendre à la dernière minute pour le faire, en se disant qu'on va peut-être avoir de la main-d'oeuvre d'ici si une papetière ferme», a-t-il expliqué.

«On craint que l'approbation des demandes des travailleurs étrangers ne soit retardée du fait que des chômeurs sont disponibles au pays, a affirmé René Mantha, directeur général de la Fondation des entreprises en recrutement de main-d'oeuvre agricole étrangère (FERME). Ces chômeurs souhaitent-ils vraiment faire une heure de route chaque matin pour travailler au salaire minimum, de longues heures à genoux? Ça ne tient pas debout.» À moyen et long terme, la disponibilité des produits agricoles québécois s'en trouvera compromise, selon M. Mantha.

Chez FraiseBec, «on a 95 employés étrangers qui sont arrivés et on en attend encore d'autres, a affirmé Mme Charbonneau. Sans eux, en fin de semaine dernière, on n'aurait pas pu faire de récolte. S'il pleut ou s'il fait froid, la main-d'oeuvre locale ne vient pas.»