La pratique du jeûne du ramadan s'apparente à un exercice délicat, voire dangereux, pour les diabétiques, chez qui la gestion rigoureuse de l'alimentation est une des clés de l'équilibre de cette maladie caractérisée par un excès de sucre dans le sang, expliquent des spécialistes.

Même si le Coran exempte les malades du jeûne, nombre de musulmans diabétiques s'attachent à le respecter, soit parce qu'ils ne se sentent pas malades et n'ont pas conscience des risques, soit pour ne pas se sentir exclus d'un moment de partage très fort.

«Clairement, même quand on autorise les gens à jeûner et que ça se passe bien, il est exceptionnel que ça ne détériore pas l'équilibre glycémique (taux de sucre dans le sang)», constate Laurence Vittaz, du Centre hospitalier d'Aulnay-sous-Bois (banlieue de Paris).

«C'est un bouleversement dans le rythme alimentaire et dans le rythme de vie, car le sommeil aussi est perturbé», explique-t-elle. Surtout lorsque le ramadan tombe, comme c'est le cas cette année, pendant les mois d'été.

Pour certains, la contre-indication est formelle : patients avec des complications (insuffisances rénales graves, complications cardiovasculaires sévères), patients trop âgés, femmes enceintes...

«Nous ne sommes que des blouses blanches, il nous faut nous appuyer sur les textes (sourates, versets). Heureusement, la plupart des imams vont dans notre sens», ajoute le Dr Vittaz.

Pour ceux qui se lancent malgré tout, le Dr Vittaz estime important qu'ils aient un contact avec un médecin «qui sache ce que c'est que de faire le ramadan, ce qu'on mange, comment, à quelle heure, avec qui, etc.»

«Il faut aussi connaître le traitement : il y a des traitements avec lesquels le jeûne est impossible, des traitements qui nécessitent un petit remaniement et d'autres avec lesquels ça ne pose pas de problème, mais il n'y en a pas beaucoup».

«C'est du cas par cas», résume le Dr Vittaz, qui insiste sur le «contrat moral» qu'elle passe avec ses patients. «S'ils ont le moindre symptôme d'hypoglycémie (sueurs, vision floue, tremblement...) dans la journée, il faut qu'ils me promettent de se tester -normalement c'est interdit parce qu'on ne doit pas faire couler le sang- et de casser le jeûne si nécessaire».

À l'inverse, l'autre risque, à la rupture du jeûne au coucher du soleil, c'est l'hyperglycémie, du fait d'un apport alimentaire excessif. Elle se manifeste par des soifs intenses, des envies fréquentes d'uriner qui perturbent encore davantage le sommeil et contribuent aussi au risque de déshydratation dans la journée.

Beignets, bricks, pâtisseries orientales sont autant de mets traditionnellement partagés en famille à la rupture du jeûne, mais «qui vont apporter beaucoup de graisses et/ou de sucre», souligne Fatima Oulhadj, une diététicienne à Bagnolet (est de Paris). Rien de bon pour les diabétiques.

Cette année, la rupture du jeûne se faisant à une heure tardive, certaines personnes ne prennent pas de deuxième repas (al ichaa), traditionnellement plus complet. Elle conseille donc de prendre un premier repas (iftar) varié, intégrant féculent, fruit, légumes, produit laitier, viande (ou poisson ou oeuf) pour équilibrer autant que possible l'alimentation.

L'Association française des diabétiques (AFD) a mis en ligne (www.afd.asso.fr) un dossier spécial «diabète et ramadan».