Manger plus de fruits et de légumes vous protège contre le cancer, n'est-ce pas? Une nouvelle étude européenne vient jeter un pavé dans l'assiette: non, les risques de contracter la maladie ne sont pas vraiment moins élevés chez ceux qui mangent plusieurs portions de fruits et légumes tous les jours. Mais de là à mettre le brocoli à la poubelle, il y a un pas à ne pas franchir. Les experts en santé publique conseillent de garder la salade au menu. Surtout si elle est faite de tomates et de concombres...

C' était l'évidence de l'évidence: manger plus de fruits et de légumes réduit les risques de contracter un cancer. C'est aussi une des recommandations de l'Organisation mondiale de la santé et du Fonds mondial de recherche contre le cancer, organismes de référence en la matière. Sauf qu'hier, la recette miracle a tourné au vinaigre...

 

Plus d'un demi-million d'Européens ont participé à une étude sur le cancer. On s'est intéressé à leur mode de vie, à leur poids et à leur assiette sur une période de plus de huit ans. Conclusion: les liens entre la consommation de fruits et légumes et la réduction des risques de cancer sont faibles. On parle d'une diminution de 2% des risques pour les femmes adeptes de fruits et légumes. Moins encore pour ces messieurs.

«Nous avons voulu vérifier l'effet de la consommation de fruits et légumes sur le cancer en général», explique Paolo Boffetta, épidémiologiste italien et principal auteur de l'étude publiée hier matin dans la version en ligne du Journal of the National Cancer Institute de l'Université Oxford.

Les recherches existantes vont dans un sens ou dans l'autre, explique le scientifique, joint à sa résidence parisienne hier en soirée. On détermine que les risques sont beaucoup réduits chez les grands consommateurs de fruits et légumes. «Ou alors, et de plus en plus, on calcule que la consommation de fruits et légumes n'est pas du tout favorable à la réduction des cancers», note le chercheur. Les résultats de cette nouvelle étude se situent dans le milieu. «Il y a un effet de prévention, mais pas autant qu'on le croyait», avoue le Dr Boffetta.

Du déjà-vu, indique le Dr Richard Béliveau, auteur de trois livres sur l'incidence de l'alimentation sur le cancer. «Tous les fruits et légumes sont bons pour la santé, mais tous ne préviennent pas le cancer, détaille Richard Béliveau. Personne n'a dit que manger des bananes protégeait du cancer de la thyroïde! Si le message avait été de dire qu'en mangeant plus de fruits et légumes, on réduisait les risques de cancer, je n'aurais jamais écrit trois livres sur le sujet!»

Les fruits et légumes protègent contre les maladies cardiovasculaires et sont bénéfiques pour la santé systémique. «Il n'y a aucune ambiguïté là-dessus», explique le coanimateur de Kampaï!.

Quand on parle de cancer, le message est autrement plus complexe, explique-t-il. «Le cancer est un ensemble de maladies», dit Richard Béliveau. Et différents fruits et légumes ont, individuellement, leur propre signature moléculaire. Le défi de la science est de trouver la bonne combinaison.

Confusion au menu

Certains fruits et certains légumes ont, indéniablement, des effets protecteurs contre des types de cancer, précise Richard Béliveau, qui note aussi que cette nouvelle étude ne s'intéresse pas au menu des participants dans le détail. Si ceux qui ont été classés dans la catégorie des «consommateurs de légumes» mangent des pommes de terre, des tomates en conserve et de la laitue iceberg, on ne doit pas vraiment s'étonner de voir que la consommation de légumes n'ait pas donné une protection contre le cancer, dit-il.

«En santé publique, les gens confondent les recommandations générales et les recommandations spécifiques», affirme Richard Béliveau.

À la Société canadienne du cancer, les recommandations ne changeront pas.

La consommation de fruits et de légumes fait partie d'un mode de vie sain, cela ne change pas, explique le porte-parole de l'organisme, André Beaulieu. Comme de ne pas fumer et de bouger. «Il n'y a pas de recette miracle contre le cancer», dit-il. Et il ne faudrait surtout pas que les gens qui se forçaient pour mettre des fruits et légumes au menu se découragent avec des conclusions comme celle de cette étude, s'inquiète André Beaulieu, qui rappelle que la moitié des Québécois ne consomment pas cinq portions de fruits et légumes par jour, recommandation minimale des autorités de santé publique.

Un message compliqué

La grande conclusion de cette nouvelle étude européenne est donc qu'avec le cancer, rien n'est simple. On ne peut pas dresser une recommandation passe-partout. Quiconque veut se doter d'un garde-manger anticancer aura des devoirs à faire.

Le professeur Ariel Fenster, du département de chimie de l'Université McGill, a trouvé une solution très simple pour rendre le message plus clair pour tous. Plutôt que de dresser une liste d'ingrédients à ajouter au menu quotidien, il recommande surtout d'éviter les aliments qui augmentent les risques de contracter le cancer. Comme la viande rouge et les charcuteries.

Le principe a deux avantages: d'abord, si on mange moins de ces aliments à risque, on mangera inévitablement davantage d'aliments plus sains, comme les fruits et légumes.

L'autre avantage de réduire les aliments à risque est qu'on évite de voir des gens qui croient pouvoir racheter des mauvais comportements par la consommation de quelques bons aliments ici et là. «Un fumeur qui décide de manger beaucoup de tomates, dit Ariel Fenster, ne s'aidera pas beaucoup.»

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EN CHIFFRES

 

 

1 sur 4

1 Canadien sur 4 mourra du cancer

2e

Le cancer colorectal est la 2e cause de décès par cancer chez les Québécois et la 3e cause chez les Québécoises

25%

On pourrait réduire jusqu'à 25% le nombre de décès par cancer du sein si 70% des Canadiennes de 50 à 69 ans passaient une mammographie tous les deux ans

50%

À peine plus de 50% des Québécoises de 50 à 69 ans participent au programme de dépistage du cancer du sein

538

jeunes Québécois de 15 à 29 ans reçoivent un diagnostic de cancer chaque année

30 à 35%

On pourrait prévenir de 30% à 35% des cancers par l'activité physique, la saine alimentation et le maintien d'un poids santé

45%

des Canadiens et 40% des Canadiennes contracteront un cancer au cours de leur vie