(Québec) Antoine Cyr a le luxe de pratiquer un sport dans lequel vieillir est un avantage. Et à 25 ans, il arrive dans la tranche la plus déterminante de sa jeune carrière.

La moyenne d’âge des cinq premiers fondeurs au classement général de la FIS la saison dernière est d’exactement 31 ans. Dans cette discipline à long développement, les skieurs sont au zénith de leur carrière au tournant de la trentaine.

Le cas d’Antoine Cyr est toutefois encourageant. À sa troisième saison complète sur le circuit de la Coupe du monde, sa progression a été étincelante. Une sixième place et une quatrième position au Tour de ski. Une huitième place à Les Rousses. Et une huitième place à Lahti pour conclure la saison.

Impossible pour le skieur de Gatineau de terminer sur une plus belle note. Au moins, pendant l’été, il s’est entraîné avec la conviction d’appartenir dorénavant à l’élite mondiale.

« On se compare beaucoup. Et il y a des journées où tu te vois au sommet ou pas loin. Mais tant que tu ne l’as pas fait réellement, tu ne le sais pas », raconte Cyr dans la cafétéria du Centre des glaces de Québec par une matinée de la mi-octobre.

Et à sa deuxième percée à Val di Fiemme, au Tour de ski, le Québécois serait sans doute parvenu à grimper sur le podium si la piste avait été plus longue d’une dizaine de mètres. Sa poussée dans les derniers kilomètres a été monstrueuse.

Au moins, le podium sera à sa portée lors de la saison à venir et il amorce la nouvelle campagne en toute connaissance de cause.

Son premier objectif pour la première course de la saison, à Ruka, sera de retrouver les mêmes sensations qu’en dernière portion de calendrier. Car c’est ainsi qu’il mesure son succès et sa progression. « En ski de fond, la partie technique est super importante. Le mouvement et la sensation. Tu le sais que ta poussée est bonne, que tu es en forme, que c’est une bonne course, peu importe le résultat. Et si en plus tu as un bon résultat, tu sais que ça progresse. »

Dans son agenda, le Tour de ski est encore entouré à l’encre permanente. Il a brillé l’an passé et une victoire d’étape, à l’équivalent du Tour de France, mais en ski de fond, serait immense. D’autant plus qu’il s’agira d’une saison sans Championnats du monde et sans Jeux olympiques. Il parle aussi des Coupes du monde de Canmore en Alberta et de Minneapolis au Minnesota, qu’ils considèrent comme des compétitions « locales ».

« Ça peut être un autre gros objectif. Si je peux être en bonne forme là-bas, ça peut être important », a-t-il révélé.

PHOTO TIRÉE DU COMPTE INSTAGRAM D’ANTOINE CYR

Antoine Cyr à l’entraînement en ski à roulettes

Comme à vélo

Avec le temps, Cyr a semblé se spécialiser dans les fins de course. Parfois loin du radar ou en plein peloton pendant la majorité de la distance à parcourir, il émerge et sort du lot dans la dernière portion de la course.

« En fin de course, quand c’est un parcours qui me convient bien, c’est là souvent que je suis capable de me démarquer des autres. Mais ça arrive aussi avec la forme. Si tu es en bonne forme, tu vas bien finir », précise-t-il lorsque la remarque lui est faite.

En fait, l’idée n’est pas de prétendre que Cyr connaît des lacunes au départ, bien au contraire. Avant d’exploser, il faut savoir se positionner au bon endroit et surtout être en mesure de suivre le troupeau.

Passionné de vélo de route, presque autant que de ski de fond, il adore comparer les deux disciplines et même appliquer certaines stratégies de cyclisme en ski. Il parle notamment de Mark Cavendish et vante son côté stratégique : « C’est un sprinteur. En début de course, il est dans le peloton, il se cache et souvent c’est dans les cinq derniers kilomètres, en accélérant et en trouvant l’espace, qu’il passe de la 30e place à la victoire. »

Ce genre de stratégie vient avec l’expérience. Et la gestion de course de Cyr s’est améliorée avec les années. Si bien qu’aujourd’hui, il est un prétendant au podium sur le circuit de la Coupe du monde.

Dans les départs de masse justement, je suis capable de bien me cacher en début de course. Je reste loin. Souvent en dehors du trouble. C’est ma grande force.

Antoine Cyr, fondeur

Son ami et ancien membre de l’équipe nationale Devon Kershaw lui a d’ailleurs transmis deux conseils pour faciliter sa gestion de course : être relax et mettre l’accent sur la technique. « J’essaie d’appliquer ça dans mes courses. Dans un départ de masse, je me dis de baisser les épaules, de regarder en avant, garder la respiration, avoir une bonne technique. »

En appliquant ces conseils, Cyr a été en mesure de terminer au 24e rang mondial la saison dernière. Un bond de 31 places par rapport à la saison précédente.

Le Gatinois est conscient d’être au tout début de la phase la plus productive de sa carrière. Alors pour lui, à quelques jours de renouer avec la compétition, « ce n’est pas la victoire à tout prix », jure-t-il.

Ses objectifs sont plus abstraits, mais non moins importants : « C’est d’aller chercher le maximum de mon potentiel. C’est la grosse quête que j’ai en faisant du ski de fond. C’est de voir jusqu’où je peux me rendre. Je pense que c’est plus ça, le dépassement. »