Un Québécois de 32 ans, aux prises avec un TDAH pendant toute sa vie, qui a songé à la retraite avant de trouver la partenaire idéale au 10essai.

Une Américaine de 40 ans, qui n’a pas touché à la glace pendant 16 ans, avant de dépoussiérer sa vieille paire de patins pour ranimer des ambitions olympiques qu’elle croyait enfouies à jamais.

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Maxime Deschamps et Deanna Stellato-Dudek

Des Mondiaux ressuscités quatre ans après leur annulation en catastrophe à l’aube d’une pandémie dont personne ne soupçonnait l’ampleur.

Maxime Deschamps et Deanna Stellato-Dudek ont mis la touche finale à ce qu’il n’est pas exagéré de qualifier de conte de fées, gagnant la médaille d’or des Championnats du monde de patinage artistique de Montréal, jeudi soir.

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Maxime Deschamps et Deanna Stellato-Dudek avec leur chorégraphe Julie Marcotte

Ils n’étaient que 5372 spectateurs pour assister à ce triomphe dans l’immense enceinte du Centre Bell, mais ils n’oublieront jamais cet évènement.

« Je suis très contente de notre performance ce soir », a lancé Stellato au micro, en français, après la confirmation de leur victoire devant les Japonais Riku Miura et Ryuichi Kihara, qui ont remporté de justesse le programme libre.

« Je me sens un petit peu malade, ça a été très difficile », a révélé la native de Chicago, toujours dans la langue de Tremblay, elle qui n’a pas manqué une seule journée de ses leçons sur l’application Duolingo depuis son installation au Québec, à l’été 2019.

« Ça me rend encore plus heureuse », a enchaîné, en anglais, la résidente permanente qui attend toujours son passeport canadien.

C’est un rêve qui se réalise.

Deanna Stellato-Dudek

L’émotion l’a ensuite gagnée, comme un peu plus tôt sur la patinoire. Deschamps a pris le relais : « Patiner aux Championnats du monde, ici à Montréal, c’est vraiment spécial. Devant vous, famille et amis, les fans. C’est encore difficile de mettre des mots sur ce qu’on vit présentement, mais merci beaucoup. »

Inquiétude

Stellato et Deschamps s’étaient donné une avance de près de quatre points en remportant le programme court la veille. Finalement, ce coussin a été déterminant pour l’obtention de la médaille d’or. Le duo canadien a connu un échauffement compliqué, en particulier Deschamps qui a chuté sur un saut triple.

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Le début de la chorégraphie a également causé un peu d’inquiétude. Après un problème de synchronisation sur le triple boucle piqué en ouverture de séquence, Stellato a raté son double axel à la fin. Le Centre Bell a tremblé, mais les favoris locaux ont tenu bon jusqu’à la fin de la prestation de quatre minutes livrée sur la musique d’Interview with the Vampire.

« On l’a fait ! », a lâché Deschamps à sa « guerrière », aussi bouleversée qu’à bout de souffle. « Oh my God ! », a réagi celle qui avait souffert de violentes crampes abdominales dans la journée.

L’annonce du pointage – 144,08, un record personnel – a plongé dans l’euphorie les deux patineurs, l’entraîneuse Josée Picard et la chorégraphe Julie Marcotte. La zone du « kiss and cry » portait bien son nom.

Derniers à s’élancer, Miura et Kihara avaient fort à faire pour combler l’écart avec les meneurs provisoires. Les tenants du titre ont cependant livré une chaude lutte. Un triple salchow transformé en double de la part de Miura, sur un saut côte à côte, a été leur seul accroc significatif. Il leur a coûté une chance de se battre pour l’or. Leur pointage de 144,35 leur a valu la première place du programme libre, mais les a laissés à court au cumulatif (221,56 contre 217,88).

« Je t’avais dit que Deanna et Maxime menaient par deux buts après deux périodes », a rappelé Bruno Marcotte, l’entraîneur québécois des Japonais et frère de Julie, qui était également leur chorégraphe. « On a marqué un but, mais l’autre a été refusé ! »

Étourdi et souffrant d’hyperventilation, Ryuichi Kihara a dû s’étendre sur une civière après la compétition. À son grand désarroi, il n’a pas été en mesure de se présenter à la cérémonie de remise des médailles. À leur première année ensemble, les jeunes Allemands Minerva Fabienne Hase et Nikita Volodin (un Russe d’origine) ont remonté d’un échelon pour ravir le bronze.

Réunion heureuse

Cette médaille d’or mondiale est la première remportée par des Canadiens depuis le doublé de Meagan Duhamel et Eric Radford en 2015 et 2016. Ces Ontariens d’origine représentaient le Québec depuis une quinzaine d’années.

Deschamps est le troisième natif du Québec sacré dans cette épreuve. En 1993, Isabelle Brasseur avait été la première à devenir championne du monde, aux côtés de Lloyd Eisler. Le médaillé d’or olympique David Pelletier avait également réussi l’exploit avec Jamie Salé en 2001 à Vancouver.

Ironiquement, c’est Meagan Duhamel, la femme de Bruno Marcotte, qui a réuni Deschamps et Stellato. L’ex-vice-championne mondiale junior en simple recherchait un nouveau complice après une blessure subie par le premier partenaire avec qui elle a patiné à son retour.

« On a deux histoires très différentes », a rappelé Deschamps en se tournant vers Stellato, championne mondiale la plus âgée de tous les temps en patinage, à la table de conférence de presse.

Au bout du compte, ça parle de détermination, de persévérance. C’est vraiment ce qu’on a réussi à démontrer aujourd’hui. Tout le travail qu’on a fait au cours de nos carrières respectives nous a menés ici. Là, on a l’a mis ensemble et on a fait un bout de chemin. C’était incroyable de le faire devant la famille, les amis. Ça nous a portés pour la deuxième partie du programme.

Maxime Deschamps

À la conclusion du point de presse, Deschamps a émis une demande spéciale pour le gala de clôture de dimanche : la permission de transporter le flambeau du Canadien qu’il a aperçu près du vestiaire de l’équipe lors d’une visite précédente.

« Ça va peut-être nous porter chance pour remporter une 25Coupe Stanley… »