Se préparer pour des Championnats du monde, à la maison qui plus est, est une chose. Le faire tout en essayant de se remettre d’une commotion cérébrale en est une autre.

Marjorie Lajoie était censée être à l’entraînement, le matin du 4 janvier, lorsque votre journaliste s’est rendu à l’Auditorium de Verdun pour s’entretenir avec elle et son partenaire, Zachary Lagha. Ce déplacement était motivé par le désir de prendre des nouvelles du duo à l’approche des Mondiaux présentés cette semaine au Centre Bell.

Les deux patineurs avaient obtenu de bons résultats, dont deux médailles d’argent en Grand Prix, dans la première portion de la saison.

« Marjorie ne sera pas là. Elle s’est blessée en faisant une chute », avait indiqué Lagha dans les couloirs menant au vestiaire. On apprendrait plus tard qu’elle avait subi une commotion cérébrale dans les jours précédents.

Lajoie a refait surface seulement deux mois plus tard, lors des disponibilités médiatiques des athlètes invités au plus grand rendez-vous de patinage artistique de l’année.

Arborant des lunettes de soleil aux verres jaunis pour adoucir les reflets de la lumière, elle s’est entraînée sans difficulté sur la glace du Canadien. « J’ai pu recommencer à patiner. On a suivi le protocole, là on est au Centre Bell et on est capables de faire des programmes complets », a-t-elle indiqué il y a une douzaine de jours.

Les risques de commotion cérébrale font partie du jeu, bien entendu. Ces athlètes capables d’exécuter des pirouettes aussi spectaculaires que périlleuses sans la moindre protection, outre un costume aussi mince et fragile que les ailes d’un papillon, risquent leur santé sur presque chaque envolée.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

« J’ai pu recommencer à patiner. On a suivi le protocole, là on est au Centre Bell et on est capables de faire des programmes complets », a indiqué Marjorie Lajoie il y a une douzaine de jours.

Marjorie Lajoie le sait. Et c’est sans doute pourquoi sa discipline est aussi exaltante. Mais elle saisit surtout la nécessité de suivre chaque étape du protocole de rétablissement. « Je peux tout faire maintenant. Il reste juste progressivement et sécuritairement à me remettre en forme. »

Prise en charge à l’Institut national du sport du Québec, l’athlète de 23 ans a été suivie par cinq professionnels « pour les yeux, la tête, l’énergie ». Elle estime avoir suivi le protocole à la lettre. Expliquant ainsi pourquoi elle prendra part aux Mondiaux, devant famille et amis.

L’importance de guérir

Son désir de performer devant les siens a été un carburant dès que Montréal a hérité de l’organisation des Mondiaux, prévus initialement en 2020. Elle aura finalement la chance d’y participer, avec surtout beaucoup plus de bagage qu’à l’époque.

Lajoie a évidemment craint de devoir déclarer forfait en raison de son état. Le verdict aurait été particulièrement dur à digérer. Or, guérir complètement était la condition sine qua non pour patiner à Montréal. Règle qu’elle s’était elle-même imposée.

Aujourd’hui, ma génération, on comprend à quel point c’est important de bien guérir. J’aurais voulu revenir plus tôt, mais si je n’avais pas vu que d’autres patineurs étaient revenus trop tôt, je serais peut-être revenue avant. C’est de comprendre que ça peut avoir des conséquences à long terme. J’ai 23 ans et je n’ai pas le goût d’avoir des migraines toute ma vie. Je n’ai jamais eu de migraines avant, maintenant j’en fais. Je veux guérir à 100 %.

Marjorie Lajoie

Même si elle patine avec Zachary Lagha depuis plus d’une décennie, les deux protagonistes en sont quand même au prologue de leur carrière, considérant que certains de leurs rivaux et aspirants au titre sont dans la mi-trentaine. De là l’intérêt de se reconstruire maintenant, question de miser sur le long terme. « Même avant ma commotion, je prenais extrêmement soin de mon corps, de ma tête et de ma santé. C’est une priorité. On sait qu’en danse sur glace, c’est le long terme qui compte. Ce n’est pas à 20 ans qu’on sera champions du monde, ce sont les plus vieux qui ont les résultats. Donc j’ai toujours donné une priorité à la récupération et à mes blessures. »

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Même si elle patine avec Zachary Lagha depuis plus d’une décennie, les deux protagonistes en sont quand même au prologue de leur carrière, considérant que certains de leurs rivaux et aspirants au titre sont dans la mi-trentaine.

La médaillée d’or en danse sur glace aux Championnats du monde juniors en 2019 a cité le nom de Kaitlin Hawayek parmi ses inspirations lui ayant permis de mieux traverser ce long et frustrant processus de rétablissement.

Patineuse américaine, Hawayek a dû renoncer à sa saison en raison d’une autre commotion cérébrale. « Peut-être qu’ils [Hawayek et son partenaire Jean-Luc Baker] vont devoir arrêter à cause des commotions, parce que justement, je pense qu’ils avaient été moins bien suivis, moins bien informés par son équipe, et je ne veux jamais me rendre là. »

Hawayek a même contacté la Québécoise lorsqu’elle a été mise au courant de sa situation. « On a eu des discussions, elle m’a écrit, parce qu’elle savait exactement ce que je vivais, elle était elle-même encore en commotion. Elle savait exactement vers quoi j’allais. J’ai eu beaucoup de support de sa part. »

Avec Zachary Lagha, Marjorie Lajoie a pris le 13rang aux Jeux olympiques, le 11e aux derniers Mondiaux et la 14place à leur première participation en 2021.

L’objectif cette semaine sera certainement d’entrer dans le top 10. En Grands Prix cette saison, leur pire résultat a été une sixième position, à Pékin. Ils ont été obligés de renoncer aux Championnats nationaux au tournant de la nouvelle année. Ces Mondiaux seront donc leur premier, et seul, véritable test avant de terminer la saison.

La semaine dernière, la routine n’était pas encore à point, selon Lagha, mais il promet une finalité à la hauteur lorsque le moment sera venu : « Ce sera à point pour les Mondiaux. Il y a encore quelques détails à travailler dans le libre. Le court est assez coulé dans le béton, mais il y a encore un peu de travail à faire. »