Christopher Fiola a troqué ses longues lames pour un (long) téléobjectif de location à la Coupe du monde de patinage de vitesse de Québec, le week-end dernier.

Sur la touche pour cause de blessure, il a offert ses services comme chauffeur à l’équipe américaine. En échange, il a obtenu une accréditation à titre de photographe, une autre de ses passions.

Le Montréalais d’origine aurait préféré se frotter à l’Américain Jordan Stolz, comme son compatriote Laurent Dubreuil, mais une tendinite au genou droit, qu’il traînait depuis deux ans, a finalement eu raison de sa volonté. Absent des Championnats canadiens en octobre, il n’avait pas recommencé à patiner à l’aube des sélections nationales de janvier. Il s’est donc résigné à faire une croix sur le reste de la saison.

« Il y a eu des hauts et des bas, mais mon deuil est fait », a dit Fiola en souriant, caméra en bandoulière, dans les hauteurs du Centre de glaces Intact Assurance.

Touche-à-tout, l’athlète de 27 ans a excellé en courte piste et en patin à roues alignées – il a même participé aux Jeux panaméricains de Toronto en 2015 – avant que deux fractures à une jambe, coup sur coup, dans chacune des disciplines, le convainquent de se convertir à l’anneau glacé de 400 m.

À l’instar de son coéquipier David La Rue, Fiola a été médaillé aux Championnats du monde juniors, montant trois fois sur la deuxième marche du podium en 2016. Après avoir flirté avec le départ en groupe à ses débuts, il s’est spécialisé dans le sprint de 500 m, une épreuve dense au Canada à l’époque.

À l’issue d’une première campagne en Coupe du monde en 2018-2019, des blessures et la pandémie ont ralenti sa progression. Après avoir frôlé le standard olympique en décembre 2021, il a vu le tapis lui glisser sous les pieds de façon définitive à la suite de l’abandon de la dernière compétition de qualification en raison de la COVID-19.

PHOTO RAFAL OLEKSIEWICZ, FOURNIE PAR PATINAGE DE VITESSE CANADA

Christopher Fiola, Laurent Dubreuil et Antoine Gélinas-Beaulieu

Dans l’ombre de Dubreuil, Fiola a rebondi au début de la saison dernière en terminant deux fois parmi les dix premiers en Coupe du monde, un sommet personnel. La suite a été moins probante, mais il a tout de même été sélectionné pour ses deuxièmes Mondiaux par distances, où il a gagné l’or au sprint par équipes en compagnie de Dubreuil et d’Antoine Gélinas-Beaulieu. Sur le plan individuel, il s’est classé 12e à égalité au 500 m.

Ce dernier résultat l’a laissé sur son appétit. Avec le recul, il constate que son genou amoché lui a considérablement nui.

« J’étais complètement arraché ! a-t-il pouffé. J’avais encore un bon départ, mais dans le dernier virage, j’ai ralenti de presque trois ou quatre kilomètres/heure. C’est là que j’ai tout perdu. C’était tellement serré que j’aurais pu faire un top 10. Mais ça reste des peut-être. On ne saura jamais. »

Nécrose

Une chose est certaine : Fiola a payé cher pour avoir poussé ses articulations à de tels extrêmes en dépit de la douleur. Des examens ont révélé la présence de deux taches noires sur son tendon rotulien droit, signes d’une nécrose. Il a donc limité son entraînement à de la salle et de la natation, un nouveau sport dont la découverte a été une aventure : « Je nageais mal en mausus ! Un stagiaire en préparation physique m’a accompagné et ça faisait dur ! Finalement, j’ai dû faire 70 kilomètres dans mon année. »

De premiers traitements – timbres de nitroglycérine et coûteuses injections d’acide – se sont révélés inefficaces. En revanche, la thérapie par ondes de choc radiales (shockwave), combinée à des exercices excentriques en musculation, a rapidement produit des résultats.

« Ça a relancé le processus de guérison. J’ai senti des changements : j’ai plus de flexibilité [dans le genou] et moins de douleur. Une échographie a montré que les taches noires avaient disparu. Le tendon est plus épais qu’avant. Les deux protocoles ensemble, ça a fait toute la différence. »

Pour la première fois en près de dix mois, Fiola a rechaussé les patins il y a deux semaines. « C’est comme si je n’avais pas arrêté ! », s’est-il étonné, attribuant cette absence de rouille à de nombreux exercices de visualisation et à la santé de son genou.

PHOTO RAFAL OLEKSIEWICZ, FOURNIE PAR PATINAGE DE VITESSE CANADA

Christopher Fiola

« Naturellement, je patine mieux qu’avant parce que j’ai confiance en ma jambe. Dans les vidéos, j’ai remarqué que j’avais tendance à déposer mon pied droit trop loin dans les lignes droites, pour être moins croisé. Même chose dans les virages, où je trébuchais un peu parce que je ne voulais pas m’écraser sur ma jambe. Ça a réglé le problème. »

Son temps de glace est limité, mais Christopher Fiola est déterminé à zoomer sur la saison prochaine. Et sa blessure aura servi à éviter des problèmes à Dubreuil, qui a pris le temps de bien soigner une tendinite l’été dernier pour ne pas vivre le même cauchemar que son collègue.